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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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La lecture

Pourquoi lisons-nous et comment faire pour bien lire? Sans doute, la grande, la principale raison qui nous fait aimer la lecture se trouve-t-elle dans notre besoin d'évasion et de distraction pendant nos moments de loisir. Mais nos loisirs sont couleur de temps et suivant notre humeur, nous les peuplons diversement. Un jour de grande fatigue ou de grippe commençante, ne prenons pas la substantielle biographie sur notre table de chevet uniquement parce qu'elle est commencée et qu'il faut la rendre dans les huit jours. Soyons parfois indulgentes à nous-mêmes et contentons-nous d'un illustré, d'un bon roman policier ou d'un livre humoristique dont les fantoches nous amusent sans nous fatiguer.

Cependant ces états fâcheux de fatigue ou de maladie ne sont que passagers et la lecture nous apporte autre chose que l'oubli de la réalité quotidienne. Elle contribue au contraire à nous faire mieux comprendre cette réalité et nous apprend parfois à en jouir plus vivement. Celles qui aiment la poésie savent à quel point elle avive, diversifie et affine la sensibilité.

La lecture étend presque à l'infini le champ si restreint de nos expériences personnelles et humaines, et les livres peuvent remplacer jusqu'à un certain point la connaissance directe. Ils nous ouvrent bien des fenêtres : dans leur encadrement, des gens d'époques et de milieux qui nous étaient étrangers, nous deviennent familiers. Laquelle d'entre nous, ayant lu les livres de Mary Webb, n'a l'impression de connaître un peu la campagne anglaise ?

Mais le roman n'ouvre pas seulement des fenêtres; de temps en temps il éclaire un miroir. En nous reconnaissant, nous apprenons à nous connaître sous un jour nouveau, pas forcément favorable. L'expérience n'est que plus intéressante. S'évader et se retrouver, deux façons de satisfaire le besoin de distraction, de variété, d'horizons nouveaux qui est si naturel. Un bon roman ne vaut-il pas un tapis magique qui vous emporte au pays du rêve où tous les désirs sont satisfaits ? Ainsi, en juillet, étendues sur une chaise longue, sous un ciel tremblant de chaleur, nous suivons le traîneau de Gösta Berling lancé à une allure folle sur la neige crissante ou nous écoutons chanter la forêt de Gulbransson. Quand nous avons passé la journée à travailler dans notre ménage, à faire réciter leurs leçons à nos enfants, quelle satisfaction, le soir venu, de retrouver l'héroïne de la Crique du Français, par exemple, de suivre des yeux le pâle éclat de sa robe blanche sous les arbres d'un parc nocturne et de deviner le bruit de l'eau sous l'étrave qui annonce l'arrivée de son amant! C'est l'aventure.., et quand elle finit mal, ce qui est généralement le cas, quel plaisir de lever les yeux et de voir dans le fauteuil voisin le visage familier d'un homme qui, pour rentrer régulièrement le soir à bicyclette au lieu de surgir à l'improviste sur un grand voilier blanc, n'en a pas moins de titres à notre tendresse.

Voyons pourquoi en lisant un roman, nous aimons à nous retrouver. Je suis sûre qu'il vous est arrivé à toutes déjà, en suivant une héroïne dans ses pensées les plus intimes, de vous écrier mentalement :
« Comme c'est bien ça! » A ce moment-là, vous vous êtes reconnues et votre intérêt pour le livre a augmenté d'autant. Se retrouver dans un livre, c'est se voir du dehors, c'est devenir plus objectif vis-à-vis de soi et cela aide à mieux se connaître, à mieux s'adapter à son entourage et aussi, dans une certaine mesure, à adapter sa vie à sa personnalité. Je suppose que nulle n'est entièrement satisfaite d'elle-même. Toutes nous désirons, du moins dans nos bons moments, « faire mieux la prochaine fois». Pour que ce désir ne reste pas un voeu pie, il est indispensable que nous connaissions les motifs de nos actes. Pour cela la lecture est une aide précieuse, que nous lisions de bons romans ou l'oeuvre d'un moraliste ou d'un psychologue.

Mais comment discerner les bons livres? Il n'y a pas de réponse simple, de recette toute faite. C'est affaire de goût et de jugement, deux termes bien vagues, si l'on y regarde de près, mais qui impliquent l'idée d'une faculté qu'on peut former.
Ce serait trop nous limiter si nous ne voyions dans la lecture qu'un besoin d'évasion, un intérêt pour l'humanité ou un goût pour la beauté. Nous lisons sans doute autant pour d'autres raisons parmi lesquelles la plus importante est notre désir d'information. Du moins, j'aime à croire qu'il est très vif en chacune de nous. Nous avons à tenir compte dans la vie journalière de tant de petits faits souvent gênants et apparemment dépourvus d'intérêt. L'information nous aide à relier ces petits soucis à des causes générales et nous permet de les mieux supporter.

Prenons un autre exemple: la politique. Souvent les femmes ne s'y intéressent guère et se font même parfois gloire de leur ignorance en cette matière. Je vous accorde volontiers que notre passivité forcée dans ce domaine enlève un stimulant à l'intérêt que nous pouvons y porter. Ici, je ne fais pas seulement allusion au fait que les femmes n'ont pas le droit de vote en Suisse, mais bien davantage encore à l'impuissance toujours plus grande de l'individu, homme ou femme, devant I'Etat. Une opinion bien informée convient à un pays comme le nôtre et les femmes devraient aussi en profiter. Par ailleurs, il n'est pas sans intérêt de connaître la recette de la sauce à laquelle on sera mangé et d'apprendre d'où viendra le piment, si c'est d'orient ou d'occident.

On comprend que ceux qui nous entourent aiment pouvoir nous parler d'autre chose que de cuisine et de potins de famille! Nous devrions donc essayer de nous renseigner sur les sujets qui les intéressent. Même si c'est ardu et si nous n'avons pas de goût spontané pour ces questions-là, des articles de revues ou des ouvrages de vulgarisation peuvent nous aider à nous en approcher. Ces lectures ne nous donneront pas une compétence réelle mais une idée de domaines qui nous étaient totalement étrangers et nous permettront d'écouter plus intelligemment. Demandons encore à nos maris et à nos grands enfants de nous expliquer des points restés obscurs. Ils le feront volontiers puisqu'il s'agira d'un thème qui leur est familier et qu'on se lasse rarement de parler d'une chose qu'on connaît bien.

Cependant, nous n'existons pas seulement en fonction de notre entourage. Notre personnalité, pour se former, demande que nous prenions conscience de nous-mêmes et que nous nous développions. Ici la biographie peut jouer son plus beau rôle, celui de dresser devant nous des modèles qui seront un stimulant et un enseignement.

Si nous aimons lire, nous éprouverons le désir de faire partager cette joie à nos enfants. J'ai interrogé deux de mes filles âgées de 10 et 11 ans à ce sujet. Bien que très différentes de tempérament, elles aiment toutes deux passionnément la lecture. L'aînée, interrogée sur ce qu'il fallait faire pour donner le goût de la lecture à un enfant, a déclaré: « Tu comprends, maman, c'est un don ! ». La cadette m'a répondu; «Il ne faut pas donner des trucs ennuyeux sur la nature à quelqu'un que cela n'intéresse pas». Conclusion: pensons aux goûts de nos enfants quand nous choisissons leurs lectures, surtout au début. Ne pensons pas avant tout à les instruire ou encore à leur faire apprécier un livre que nous aimions à leur âge. Cela viendra aussi, mais plus tard, quand ils auront déjà «mordu» à la lecture.

Enfin, quand nous nous installons avec un bon livre, ayons parfois une pensée de reconnaissance pour tous ceux qui ont rendu ce plaisir possible.

Pour Gutenberg d'abord. Sans l'imprimerie, les livres ne seraient pas sortis des couvents où ils étaient accessibles à une infime minorité de clercs.
On peut raisonnablement supposer que l'imprimerie a changé la face du monde plus qu'aucune autre découverte depuis celle du feu. De plus, quand nous lisons ce qui nous plaît, pensons aussi avec reconnaissance et avec admiration à ceux qui ont rendu la lecture non seulement possible mais naturelle pour les femmes. Jusqu'au milieu du XIXe siècle, les femmes s'occupaient exclusivement de leur ménage et de leurs enfants. La plupart ne savaient pas lire et on ne permettait aux autres que les livres de piété. Les protestantes étaient favorisées puisqu'elles lisaient la bible. Les exceptions à cette règle sont brillantes mais en proportion infime et limitées géographiquement surtout à la France, l'Angleterre, et socialement à l'aristocratie et à la haute bourgeoisie. Jusqu'à une époque très récente, une femme toute simple n'avait droit ni à l'éducation ni aux loisirs qui permettent de jouir de ce plaisir délicieux et multiple entre tous qu'est la lecture.

Au milieu du XIXe siècle encore, Florence Nightingale (qui a ouvert la profession d'infirmière à celles qui ne se sentaient pas de vocation monacale) s'est écriée avec véhémence : « Les femmes n'ont jamais une demi-heure vraiment à elles! » Et on trouvait cela normal. Pas tout le monde, cependant. Il y a eu des femmes assez courageuses pour braver l'opinion publique, des hommes aux idées assez larges et au cour assez généreux pour aimer leur prochaine comme eux-mêmes. Ensemble, ils ont assuré aux femmes du XXe siècle, de tous milieux, de toute race, le droit, non de devenir semblables aux hommes, mais de développer leur personnalité propre. Et la lecture est un des moyens mis à notre disposition pour cela.









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