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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Dans un petit appartement de la Rue du Rhône, à Genève, vivait une heureuse famille ; Georgine, ancienne institutrice, veillait avec tendresse sur les siens et se consacrait à l'éducation de ses deux petits garçons aux caractères assez difficiles. Frédéric fabricant de couleurs pour la peinture sur émail, travaillait dans son atelier à l'étage au-dessus qu'il quittait parfois un instant pour venir rire et chanter avec ses fils.

Après quelques années de ce paisible bonheur, l'angoisse née du chômage et de la maladie vint mettre à l'épreuve une âme qui ne se découragea que bien rarement. Georgine écrivait un journal, destiné à ses fils, où l'on suit pas à pas les événements familiaux. Les paragraphes les plus poignants sont ceux où elle raconte que la peinture sur émail n'étant plus à la mode, son mari manque d'occupation et connaît les soucis et l'ennui. De plus, sa santé n'est plus bonne, il souffre de violentes douleurs à l'épine dorsale que rien ne peut soulager et une sombre mélancolie s'empare de lui.

«Il y a bien lieu d'être triste quand on est père de famille, qu'on se voit sans fortune, sans santé, et sans travail. Oh ! si vous saviez comme mon coeur est navré dans ces moments de crise ; quelle profonde pitié j'éprouve pour cet ami si cher et comme je symphatise avec ses souffrances. J'affecte alors aussi longtemps que je le puis une sérénité que je suis loin de posséder, je cherche à le distraire, je l'entoure d'amour et de soins, mais bien souvent une larme vient trahir l'excès de mon émotion ».

Mais il faut vivre et Georgine déclare « Quant à moi, voici le parti que j'ai pris, je me suis décidée à apprendre la peinture sur émail ; j'ai beaucoup dessiné dans ma jeunesse, j'ai une vue excellente, une volonté de fer, avec cela il y a quelque espoir de réussir ». Et quelques mois plus tard : «Stagnation complète dans les affaires et partant toujours plus de gène et de soucis. Je peins à la maison du matin au soir avec passion, ce travail est enchanteur; gagner beaucoup d'argent en se livrant à un art aussi charmant est un sort digne d'envie ; mais je n'en suis point là ; je peins et je ne vends point de peintures ! hélas, aurais-je perdu mon temps ? »

Georgine est inquiète et se confie à sa sÅ“ur : « Je ne lui ai rien caché, ni notre gène, ni l'état de santé déplorable de Frédéric, ni l'abattement de mon âme. Je ne vois que nuit autour de moi et devant moi, aucune perspective pour l'avenir, deux garçons à élever et avec quoi? Que d'amères pensées passent dans mon âme! le matin quand je m'approche de la fenêtre et que je me trouve en face du plus beau des spectacles : le lac scintillant aux premiers feux du soleil, les premières feuilles du printemps, l'air doux et pur… un impétueux sentiment de bonheur m'étreint; ô Dieu, aussi pour moi, une part de ce bonheur ! Pourquoi faire briller à mes yeux cette nature magnifique, quand le désespoir est près d'entrer dans mon âme? Hélas, que la vie est dure !
Mais bientôt cette révolte me remplit de honte ; je me jette à genoux et j'implore mon pardon ; je demande avec ferveur de la résignation, du courage et jamais je ne me suis relevée sans être consolée ».

L'automne suivant la peinture sur émail tombe tout à fait ; Frédéric est trop malade pour entreprendre une nouvelle carrière, alors Georgine prend une résolution hardie. Elle jette loin d'elle cette peinture inutile et veut prendre des pensionnaires. Frédéric combat vivement ce projet ; il redoute extrêmement de voir entrer des étrangers chez lui, mais il y consent enfin et sa femme se met à l'ouvre pour tout préparer.
Pendant une courte période, la santé de son mari lui donne du répit, la gaîté reparaît dans la demeure, c'est un repos dont les âmes avaient besoin. Mais en hiver, des souffrances terribles enlèvent à Frédéric le goût même de vivre. « Sa raison était comme voilée, la présence d'étrangers dans sa maison le mettait en rage, et sans songer que c'était notre unique gagne-pain, il les aurait tous mis à la porte si je n'avais déployé dans ces terribles moments tout ce que je peux posséder de fermeté, de présence d'esprit ; sortant de la chambre de mon mari, navrée, je paraissais au salon, sereine, écoutant et répondant à tout le monde sans que personne se doutât des orages de la maison ; car je sentais bien que si des étrangers peuvent sympathiser une fois avec les chagrins, les soucis et les souffrances d'une famille qu'ils connaissent à peine, ils ne supportent pas la vue continuelle d'angoisses et d'impressions tristes.
Mon pauvre mari, sous l'empire d'un affreux cauchemar qui le privait de sa raison, me rendait responsable de tout ce que sa position avait d'insupportable à ses yeux ; c'est moi qui avais amené ces étrangers dans la maison Il en était jaloux et ne pouvait souffrir de me voir prévenante avec eux. Les enfants se ressentaient des pénibles préoccupations de leur mère ; le cadet, la bride sur le cou, en profitait largement et se faisait à tout moment chasser du collège.

« Pour égayer Frédéric, je l'ai installé dans la plus jolie chambre de la maison ; le soir, nous faisons du feu dans la cheminée. Un joli livre est sur la table, éclairé par une bonne lampe et nous cherchons les enfants et moi à ramener par nos caresses, le sourire sur ses lèvres ; hélas, nous n'y parvenons pas. Déchu à ses yeux de sa dignité de chef de famille puisqu'il n'est plus à même de subvenir à ses besoins, cette pensée : à charge, à charge de ma famille, l'écrase, l'humilie, ronge sans cesse son coeur. O mon Dieu, pauvre Frédéric, ami de ma vie, si tu pouvais lire dans mes plus secrètes pensées, tu verrais combien tu m'es plus cher encore, maintenant que tu es si malheureux ; mais je ne puis t'en persuader et c'est ce qui fait le plus grand de mes chagrins ».

Les années passent, les unes beaucoup moins amères que les autres. Frédéric a de longs mois sans crises aiguës, il peut reprendre son travail d'émailleur et gagner de nouveau pour sa famille. L'espoir se glisse dans son coeur. Georgine veille toujours, soignant son mari, formant avec un inlassable amour le caractère de ses enfants. Malgré la fatigue occasionnée par ses nombreux pensionnaires, le courage et la gaîté ne lui font jamais défaut: « J'ai le bonheur de pouvoir me confier complètement en Dieu, dit-elle; quand j'ai fait tout ce qui dépend de moi, si les choses ne réussissent pas, je pense que c'est pour mon bien, qu'il valait mieux que mes désirs ne fussent pas exaucés ; et je n'ai point de regret. Les oeuvres de Dieu sont magnifiques dans le monde matériel comme dans celui des intelligences. Il élève les faibles, il abaisse les forts ; il confond nos prévisions afin que toute gloire lui soit rendue.









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