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Pour la fête des mères Souvenirs
Pour la fête des mères Souvenirs
L'image de maman devrait être la plus claire, puisqu'elle demeure en moi la plus rayonnante, mais je m'aperçois que plus un être a été proche, moins son image est précise. Je voudrais peindre maman, dire ses traits, sa silhouette, et je ne puis le faire : je ne la vois plus.
Quand je dis «maman », je la sens devant moi, mais si je veux la fixer, elle disparaît. La connaissance, en multipliant les souvenirs, fait passer l'objet dans une autre catégorie de compréhension : il ne s'agit plus d'une image, mais d'une communion.
Maman, ce n'est pas seulement une femme un peu forte au regard vif, ce ne sont pas des traits, ce n'est pas une carnation ni une expression, c'est tout cela, avec en plus, la démarche, la façon de prendre les objets sur une table, de fermer une porte, une atmosphère de protection et de liberté.
Si je cherche l'image de maman, elle s'efface, mais le mot même de «maman » ressuscite en moi quelque chose qui n'est ni tout à fait vision, ni tout a fait sentiment ou pensée.
Je me demande s'il en est ainsi pour Gladys et Misou et pour tous les enfants du monde qui n'ont plus leur mère. Ce serait curieux si on pouvait dire « maman », dans une foule, et voir ce que ce mot évoque immédiatement dans les souvenirs de chacun, voir se lever tous ces fantômes aimants.
Ce soir, par curiosité, lorsque Madame Miche est venue me prier de l'aider à plier ses draps, je lui ai demandé ce qu'elle voyait quand elle pensait à sa mère. Ma question l'a toute décontenancée et elle m'a fait répéter. Je lui ai dit alors :
- Quand je vous dis « votre maman », quel souvenir retrouvez-vous ?
Elle est restée un moment silencieuse, puis elle a seulement dit :
- Oh! la maman, elle n'a pas eu beaucoup de bon temps.
- Oui, mais quand vous pensez à elle, comment la voyez-vous?
Elle a réfléchi encore, puis un petit sourire est né au coin de sa bouche.
- Oh ! vous savez, elle était très grosse. Je la vois en bleu, son tablier je pense, et sa figure pas très nettement, mais assez rouge.
Elle a ajouté, comme pour s'excuser :
- J'avais quatorze ans, quand elle est morte
vous comprenez, c'est vieux.
Puis, à mon grand étonnement, car elle dit rarement quelque chose d'original, elle a murmuré :
- Quand on a perdu sa maman, on n'a plus jamais chaud.
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