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L'art de promener les enfants

Une mère marche en tenant son enfant par la main, elle regarde devant elle, l'enfant a la tête constamment tournée pour regarder derrière lui. Si l'enfant regarde derrière lui, c'est manifestement qu'il désire s'attarder, il résiste donc plus ou moins à la main qui l'entraîne, il fatigue un peu sa maman qui, tous les trois pas, lui dit : « Regarde devant toi ». La mère répète cette injonction d'abord sans doute pour s'éviter cette fatigue, et puis parce qu'elle désire aussi que l'enfant imite sa conduite qui lui paraît juste et raisonnable (les parents estiment toujours que leur conduite est raisonnable et que celle des enfants ne l'est pas). Elle regarde devant elle parce qu'elle a un but où elle veut parvenir, une direction qu'elle veut suivre parce qu'elle est bonne ou habituelle, une crainte légitime de se heurter, au cas où elle ne regarderait pas devant elle, à un passant ou contre un obstacle. Mais le petit enfant n'a pas de but, il ne sait pas où va sa mère. Il ne connaît pas la direction qu'elle prend, toutes les rues lui sont bonnes, il ne voit pas pourquoi on prend celle-ci plutôt que celle-là, à moins que ce ne soit toujours la même, mais une rue n'est jamais toujours la même pour un petit enfant. Il n'a aucune crainte de se heurter, sa mère ayant, en général, pris soin de le faire vivre dans un milieu où il n'y a point d'obstacles, et de veiller sur lui afin de l'en préserver quand il s'en rencontre. Il n'est donc pas touché par les motifs sensibles à sa mère, et il est insensible à la crainte. Cette ignorance et cette insensibilité ne l'empêcheraient pas d'être docile, l'accoutumance, aidée par l'indifférence, en triompherait. Mais le petit enfant ne manque pas seulement de raisons de regarder devant soi, il n'est pas indifférent, il a de bonnes raisons de regarder derrière lui. Il ne regarde pas derrière lui parce qu'il ne sait pas encore qu'il faut regarder devant, il regarde derrière lui parce qu'il a envie, parce qu'il a besoin de regarder derrière lui, de voir quelque chose, de voir beaucoup de choses qui sont derrière lui.

Mais pourquoi les choses qu'il a envie de regarder sont-elles toujours derrière lui ?

Pour cette simple raison qu'il n'a pas le temps de les regarder pendant qu'elles sont devant. Sa mère marche presque toujours d'un pas trop rapide pour lui (combien de mères ne savent pas accorder leur pas au pas de leur enfant !) Il voit un objet d'intérêt sur le trottoir, sur la chaussée, à une devanture, un chien, un oiseau, une voiture d'une forme nouvelle, un jouet, un ustensile. A peine a-t-il vu qu'on l'entraîne, que l'objet est déjà loin de lui, bien avant qu'il ait eu le temps de le regarder, de le percevoir, de le comprendre. Alors comme l'objet le retient, il le regarde aussi longtemps qu'il peut, il ne l'abandonne qu'à la dernière minute, et comme à mesure que l'objet s'éloigne de lui, un autre le remplace et a besoin d'un examen aussi prolongé, il en arrive à marcher à reculons au bout d'une main qui l'entraîne loin des lieux où il voudrait demeurer, de ce présent qui pour les enfants existe réellement et dure, qui n'est pas, comme pour nous autres adultes, sans cesse dévoré par le passé. Imaginez que vous lisiez un livre avec un compagnon qui n'a en vue que la fin du roman, et qui, dans sa hâte d'y atteindre, tourne chaque page alors que vous ne l'avez qu'à moitié lue.
Que faut-il donc faire? D'abord quand la mère sort pour une course (le mot est significatif), qu'elle n'emmène le petit avec elle que s'il est vraiment bien sûr qu'elle ne peut faire autrement. Si elle y est obligée, qu'elle parte un peu plus tôt de chez elle, prenne un peu plus de temps, se donne ainsi loisir de s'attarder un peu. Si enfin, il faut qu'elle se presse, alors qu'avant de partir elle informe son enfant, même s'il est bien jeune, même s'il n'a que 3 ans, de l'objet ou des objets de sa course, en les lui précisant et en les lui dépeignant pour les lui rendre désirables. « Nous allons d'abord chez le cordonnier qui a promis que tes chaussures seraient prêtes. Et maintenant, nous allons chez la boulangère, elle nous cherchera un pain bien cuit, et nous verrons peut-être le petit chat, tu sais, qui est souvent couché près de la balance, et que tu aimes à caresser. » Tout cela peut constituer pour l'enfant des buts où il voudra se diriger et que cherchera son regard. Alors il regardera plus volontiers devant lui.

Mais s'il s'agit non plus d'une course mais d'une promenade, il faut alors que l'enfant puisse regarder où il veut, et aussi longtemps qu'il veut. Que les mères n'oublient pas, comme on l'a dit, qu'elles ne doivent pas emmener promener leurs enfants, elles doivent se promener avec eux. S'il y a deux ou trois enfants, qu'ils aillent ensemble, devant la mère, en accordant peu à peu leurs démarches et leurs curiosités. S'il n'y en a qu'un, que la mère l'accompagne, là où il ne sera plus nécessaire qu'elle lui tienne la main, et qu'il aille à sa guise. Qu'il ne fasse que 10 mètres en s'arrêtant à chaque mètre ou même davantage, cela lui vaudra mieux que s'il fait 300 mètres sans rien pouvoir regarder de ce qui lui plairait, le toucherait, l'instruirait. Encore une fois qu'il puisse regarder ce dont son regard a besoin. Que les mères se persuadent que les enfants ne regardent derrière eux que parce qu'elles les empêchent de regarder devant.









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