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Au delà du bonheur
L'homme a très naturellement le désir d'être heureux. L'effort de tous les moralistes, depuis la plus lointaine antiquité, fut d'en montrer la voie. Ils ont, à des titres divers, observé que nous faisons notre propre malheur par manque de prudence ou d'équilibre, par mollesse, par complaisance aux impulsions, aux passions mauvaises
La volonté de bonheur exige, comme toute volonté normale, une appropriation des moyens aux fins. Même les plus optimistes n'ont jamais prétendu que l'infortune ne puisse éprouver durement les âmes saines et vertueuses. Epictète résume bien l'attitude raisonnable à cet égard se résigner à «ce qui ne dépend pas de nous», réagir vigoureusement, au contraire, sur ce qui «dépend de nous». Bref, il y a des règles élémentaires, qui sont celles de la sagesse.
Mais aucun auteur sensé n'a jamais soutenu que le bonheur fût comme un « événement » qu'il faille guetter, un état qu'il faille attendre, et moins encore une sorte d'obsession, une recherche fiévreuse, une idée fixe, une hantise ! Ecoutons John Stuart Mill, qui a pourtant préconisé une «morale de bonheur ». Il nous avertit charitablement, en ces termes :
« Demandez-vous si vous êtes heureux, et vous cessez de l'être
Pour être heureux, il n'est qu'un moyen, qui consiste à prendre pour but de la vie non le bonheur, mais quelque fin étrangère au bonheur. Que votre intelligence, votre conscience s'absorbe dans cette activité, et vous respirerez le bonheur avec l'air, sans le remarquer, sans y penser, sans demander à l'imagination de le figurer par anticipation, et aussi sans le mettre en fuite par la fatale manie de le mettre en question. »
Si l'on entendait par « bonheur » une continuité de plaisirs élevés, il risquerait de demeurer inaccessible. Un état exalté de joie s'épuise vite. Il ne s'agit donc pas de vouloir une existence d'extase, obtenue par je ne sais quelles miraculeuses recettes. Seuls, certains déments béats connaissent, paraît-il, des joies inertes qui, paradoxalement, coïncident avec une immense faiblesse physique et mentale.
Il ne s'agit donc pas d'attendre et de guetter en soi l'apparition d'un état de joie. Car il n'est point de joies passives chez un être normal.
La comparaison s'impose avec ces gens qui pensent continuellement à leur santé. Ils finissent par se croire malades. Rappelez-vous le début du petit chef-d'oeuvre de Jérome K. Jérome, Trois hommes dans un bateau : « Je savais que mon foie fonctionnait mal, parce que je venais justement de lire une réclame de spécialité pharmaceutique pour le foie, dans laquelle se trouvaient détaillés les divers symptômes permettant de reconnaître qu'on a le foie détraqué je les présentais tous
»
… Trop réfléchir sur soi-même, s'interroger anxieusement pour savoir si l'on est heureux ou non, voilà une bonne recette pour devenir hypocondriaque
Avoir toujours quelque chose à faire, s'intéresser à une besogne utile, c'est l'élément indispensable d'une vie heureuse, - qu'il s'agisse d'un travail matériel ou d'une oeuvre de l'intelligence. Le bonheur n'est pas un événement, c'est une aptitude. Si la santé s'y révèle nécessaire, elle n'est point suffisante. L'oisiveté, le vide intellectuel et moral représentent les plus fréquentes causes d'amertume ou de mélancolie.
S'occuper de soi, très exclusivement, c'est l'indice d'une médiocre nature. Et même, à bien aller au fond des choses, ce n'est pas s'assurer un solide bonheur. Celui-ci ne se rencontre que dans le dévouement, dans l'oubli de soi-même, au profit de quelque grande cause et d'un idéal nettement défini.
Devenir charitable, c'est une noble vertu. Elle n'est pas encore suffisante, si elle s'accompagne d'orgueil, ce qui n'est pas rare ; si elle sollicite l'admiration d'autrui ou notre propre admiration.
La paix véritable ne se trouve que dans l'action et dans l'attachement à des fins qui nous dépassent.
Nos efforts, nos luttes, nos peines seront alors changés en joie, sans même que nous y pensions. Nous ne sentirons plus nos infirmités et nos misères.
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