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Nos foyers (Suite)
Si, avant de se mettre en ménage, elle eût été, elle-même mieux enseignée, cette mère se fût fait un tout autre idéal du foyer et au lieu du triste tableau dépeint tout-à-l'heure voici ce que nous verrions:
La maman travaille paisiblement tandis que Marthe est à l'école et que Jean s'amuse avec ses bois de construction.
- Maman regarde mon église; il n'y manque plus qu' une cloche et ce serait comme une vraie église où on va prier, n'est-ce pas ?
- Oui, tu l'as très bien réussie, mais je crois qu'il te faudra sonner la cloche avec ton gosier...
Immédiatement Jean fait: bim, boum, pas trop fort cependant à cause du bébé endormi dont maman lui montre le petit lit.
- Maintenant, avant de commencer une nouvelle construction, je crois que tu ferais bien de ramasser tout ce qui traîne sur le plancher.
- Ah ! ce sont mes soldats de plomb ! C'est Robert qui les a renversés. Dis, maman, ne sera-ce pas gentil quand il sera assez grand pour ranger aussi ?
- Bien sûr, mais en attendant je trouve très gentil qu'il ait un grand frère qui aide la maman à remettre tout en place.
Sur ces entrefaites arrive Marthe, toute essoufflée et les cheveux en désordre.
- Oh ! maman regarde comme c'est ennuyeux j'ai déchiré ma robe à un clou de la palissade de l'école !
Après cette confession, elle fait la même demande que l'autre petite Marthe dont nous avons raconté les déceptions.
- Oui, chérie, répond la mère avec un sourire d'approbation. C'est un jour exceptionnellement beau pour aller dans les bois et vous pourrez me rapporter des fougères. Tu te souviens de ce creux où nous avons trouvé les plus jolis muguets. Prenez-en encore quelques-uns pour vos jardins. Mais tu ne peux pas sortir avec cette grande déchirure à ta robe ! Appelle Emma. Elle attendra ici jusqu'à ce que tu sois prête.
Marthe va chercher son amie, puis monte dans sa chambrette qu'elle aime tant et met toujours elle-même en ordre.
Pendant qu'elle répare les dégâts de sa toilette, maman s'occupe de la petite amie, aidée en cela par Jean. Car il est très aimable, Jean. Il lui apporte une chaise et lui montre son album d'oiseaux, le plus beau de ses trésors.
Après qu'ils ont bien admiré le gai loriot, le merle au bec jaune et le léger roitelet, Jean dit avec une expression d'envie dans ses yeux brillants:
- Si je pouvais aller une fois dans ce creux des muguets je trouverais peut-être un roitelet comme celui-là.
Il n'ose pas dire: «Emmenez-moi avec vous», mais Emma comprend tout de suite et ne dit pas non.
Seulement il faut franchir une haie, Jean, crois-tu que tu le pourrais ?
A ce moment Marthe rentre; elle est toute prête et porte un panier et une petite bêche.
- Est-ce que Jean vient aussi ? Bon ! il pourra prendre un peu de sucre pour nourrir les fourmis. Nous l'aiderons à franchir la haie, dis, maman ? Elle embrasse sa mère en lui murmurant à l'oreille: «Ne crains rien, j'aurai bien soin de lui !» Ces paroles ne doivent pas être entendues du petit homme qui pense être trop grand pour avoir besoin de surveillance et Marthe a appris à éviter tout ce qui peut faire de la peine aux autres.
- Je porterai les paniers, les deux, insiste Jean. Les garçons portent toujours les choses pour les filles, c'est papa qui l'a dit !
La mère pose son ouvrage et écoute avec plaisir le joyeux babil des enfants.
Voici Robert qui sort de son petit lit, il aperçoit la robe que cousait sa mère, il la prend, en fait un drôle de petit paquet qu'il porte sur une chaise à l'autre bout de la chambre ainsi que le dé et les ciseaux, puis revenant vers sa mère et grimpant sur ses genoux:
- Robert voudrait une histoire, dit-il !
Mais au lieu de garder Robert dans la maison par cette belle journée de juin, maman a le bon sens de l'emmener dans le jardin ombragé où tandis qu'elle continuera sa couture il aura tout à la fois de l'air et de la fraîcheur.
Puis vient l'heure de préparer le souper. Robert aide sa maman à cueillir des fraises. Il fait aussi un gros bouquet de fleurs pour orner le milieu de la table et garde quelques oeillets qu'il place lui-même à côté de chaque assiette comme il l'a vu faire à sa soeur les jours de cérémonie.
En vérité si tous les voisins étaient invités ce soir, la table ne serait pas plus joliment arrangée et la maîtresse de maison mise avec plus de goût: une robe modeste mais propre et bien faite, un bouton de rose à son corsage, telle apparaît la jeune femme à son mari quand il revient fatigué du travail et de la chaleur du jour.
Les enfants sont de retour, enchantés de leur excursion dans les bois; ils s'empressent autour de leur mère, embrassent le petit Robert et cajolent papa toujours le bienvenu quand il arrive.
Ah ! il y a là de quoi effacer les rides et chasser les soucis du travailleur !
Et quand ils sont tous assis autour de cette joyeuse table de famille et que Robert, sa petite figure rose dans son assiette pendant que papa fait la prière, dit Amen avant la fin, Dieu ne trouve pas qu'on se moque de lui parce que d'autres petites lèvres s'efforcent de retenir le rire qui s'en échappe.
Marthe attache la serviette du bébé et prend soin de lui pendant le repas. Papa veille à ce que maman soit servie la première et les petits frères savent que leur soeur doit être servie avant eux.
Les enfants ont la liberté de parler et ce soir ils ont bien des choses à raconter, mais ils n'accaparent pas la conversation et chacun s'occupant des autres, personne ne se sent négligé.
Dans une telle atmosphère il semble que le père ne vieillit pas et la mère peut-elle trouver que les rides ou les épaules voûtées l'atteignent prématurément ?
Ce sont ces petites politesses, ces aménités du coeur qui font un ciel du foyer domestique et là où est le ciel s'étonnera-t-on de trouver des anges ?
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