Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Les enfants et l'argent

Un médecin très riche, maire et bienfaiteur de son village, avait une fille unique qu'il aimait tendrement. Mariette avait le nécessaire et le superflu. Ses désirs étaient prévenus par ses parents. Ses vêtements, confortables, étaient choisis avec goût et variés à souhait. Noël approche. On lui demande la liste de ses voeux. Elle n'en a qu'un : une paire de soques, pour être chaussée comme tous ses camarades du village.

***

Le père de Paul est un honnête fonctionnaire. Ses ressources bien modestes pour une famille de quatre personnes, n'ont aucune chance d'augmenter. Paul grandit, il va entrer à l'école secondaire. Que de dépenses viennent grever le modeste budget des livres, des cahiers, une serviette de cuir «elle durera jusqu'à la fin de ses jours». Ouf ! tout est acheté ; il en est temps, sinon l'équilibre du budget serait rompu pour plusieurs mois.
Mais Paul rentre de l'école tout assombri. « Presque tous mes camarades ont un crayon à quatre couleurs, il m'en faut un. » Les parents se concertent : « Tout de même, nous sommes aussi bien que les autres, nous ne voudrions pas qu'on pense que nous ne pouvons pas payer un crayon à quatre couleurs comme les plus riches. » L'achat se fait, suivi de bien d'autres encore. Il faut à tout prix paraître. Et les factures de s'accumuler et les soucis d'augmenter.

***

Les parents d'Antoine et de Jeannette ont eux aussi un budget très modeste. Ils sont cependant décidés à ne jamais faire de dettes. Ils regrettent de refuser des plaisirs à leurs enfants, aussi cherchent-ils des excuses qui paraissent plausibles.
« Maman, l'école part jeudi faire du ski. Cela coûte deux francs cinquante par personne, pouvons-nous y aller ? » - « Non, mes chéris, le temps n'est pas assez sûr, les risques d'accident sont trop grands. »
Le mois suivant, le temps est clair, une nouvelle course scolaire est projetée. «Maman, cette fois il fait beau. Nous pouvons y aller. »
Le mensonge du mois précédent va impliquer de nouveaux mensonges. En réalité, cinq francs pour un plaisir est une trop lourde charge pour le budget familial.

***

Monsieur Z est un jeune ingénieur qui gagne normalement sa vie. Malgré cela il se refuse à avoir plus de cinq francs en poche. S'il sort avec sa femme, cette dernière se sent mal à l'aise de payer elle-même le tram ou le billet de cinéma. Z. n'aura jamais l'idée de lui offrir une consommation ou un cadeau, et pourtant il n'est pas avare du tout, bien au contraire.
Que se passe-t-il dans l'esprit de Monsieur Z ?

***

Pierre, Georgette et Jacques vivent dans une vieille maison dépourvue de tout luxe. Leurs parents ont des ressources modestes et de lourdes charges de famille en plus de leurs trois enfants. Chaque piècette dépensée doit l'être à bon escient. Les trois enfants le savent, et pourtant ils ne se sentent pas pauvres et vivent joyeusement. « Vous ne pouvez pas aller faire du ski, c'est malheureusement trop cher, mais nous allons chercher des patins, les aiguiser à point, nous vous donnerons des provisions et vous pourrez aller patiner sur l'étang avec vos camarades qui ne partent pas. Je crois même que nous trouverons une ou deux paires de patins à prêter à ceux qui n'en auraient pas. »
La petite moue, qui se dessinait sur la figure des enfants à l'idée d'aller « seulement » patiner, se transforme en sourire ils pourront inviter des camarades auxquels ils vont, à leur tour, procurer un plaisir.

***

Ces cinq anecdotes vécues correspondent à des attitudes différentes des parents :
Mariette a trop d'argent. Elle aimerait être comme ses camarades, se sentir de la même essence qu'eux.
Vivant à la campagne, elle est mal à son aise avec ses beaux snowboots brillants. Il ne faut pas oublier que pour être heureux, un enfant doit se sentir conforme aux habitudes du milieu dans lequel il vit. C'est pourquoi les parents fortunés ne feront pas le bonheur de leurs enfants en les traitant luxueusement. Ou bien, l'enfant étant normal, il en sera gêné comme Mariette, ou bien gâté par sa richesse et les habitudes de ceux qui l'entourent, il deviendra mauvais camarade, en prenant de grands airs de supériorité. En réalité il sera tout aussi malheureux.

Le père de Paul, lui, a un but louable en lui-même mais irréalisable dans sa totalité « Nous avons de la peine à nouer les deux bouts, à aucun prix notre fils ne doit s'en apercevoir et en souffrir. Il sera bien temps qu'il ait des soucis d'argent plus tard. Tant pis, on s'arrangera. » Il ne se doute pas que son fils pressent la situation, que bientôt il s'en rendra même entièrement compte. Depuis toujours, Paul aura su que l'on peut faire des dettes, et que l'extérieur, l'apparat compte dans la vie au détriment des valeurs morales et de la paix du coeur.

L'attitude des parents d'Antoine et de Jeannette obéit à la même suggestion: mettre leurs enfants à l'abri des soucis matériels. Mais, leur conscience ne leur permettant pas de faire des dettes, il faut trouver des subterfuges. Les enfants se rendent compte du faux prétexte, du mensonge. Ne saisissant pas la vraie raison de cette attitude, ils s'aigrissent contre leurs parents, et chaque fois que ceux-ci mentent, ils perdent confiance en eux.

Que s'est-il passé dans la vie de Monsieur Z? Depuis tout jeune, il a été chargé des soucis de ses parents. Ce n'était que lamentations sur la dureté du temps, la chèreté de la vie. Chaque achat fait pour lui ou pour d'autres membres de la famille était longuement discuté devant lui. Il était normal qu'on se prive de tout. Par une sorte de faux ascétisme, on en tirait même une sorte de gloriole. Monsieur Z qui était un enfant très sensible a beaucoup souffert de cette situation. Pendant toute son adolescence, il a eu peur de dépenser pour soi ; jamais ses parents n'auraient fait semblable chose. Quand, gagnant sa vie il a eu un peu d'aisance, en vertu des habitudes prises, il ne pouvait s'autoriser à en profiter pour lui et les siens. Donc il fallait éloigner toutes tentations et ne pas avoir plus de cinq francs en poche. Il ne faut pas faire peser sur les enfants les soucis d'argent des parents. Cela les rend craintifs et développe chez eux un manque d'assurance. Ils se sentent écrasés ou d'autres fois se créent une morale par trop sévère.

Que faire alors ? Cacher les soucis, c'est mentir ou rendre l'enfant hâbleur, envieux ou superficiel ; les partager, c'est lui faire du mal.

Il est un juste milieu. L'enfant, quand c'est nécessaire, doit se rendre compte que tout n'est pas facile, que père et mère travaillent dur pour joindre les deux bouts. Calmement, sans passion, en choisissant de façon opportune le moment de la conversation, les parents expliqueront les difficultés provoquées par une maladie, un apprentissage, un voyage ou tout autre charge. Il montreront que, s'il est des gens riches, il en est aussi pour lesquels les difficultés sont encore plus considérables que pour eux. Et que parfois ces difficultés sont indépendantes de l'argent. Si les parents réussissent à accepter joyeusement leur vie, les enfants aussi seront joyeux. Si les parents savent remplacer le manque d'argent par beaucoup d'amour et de compréhension, si sans honte de leur modeste situation, ils savent recevoir simplement les amis, même plus riches de leurs enfants, ceux-ci ne souffriront pas de la modicité de leur vie. Chaque plaisir deviendra plus sain et sera mieux et plus- profondément goûté. Les sacrifices demandés, ayant un sens, une raison logique, seront moins durs à accepter. Les enfants apprendront, comme ceux de notre dernière anecdote, que même pauvre on se sent riche quand on peut aimer et procurer de la joie autour de soi.









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève