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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURL'état d'esprit de nos écoliers A propos d'une enquête Il y a quelques mois, la Société pédagogique romande proposa au corps enseignant une enquête sur l'état d'esprit des écoliers (Genève, Vaud, Neuchâtel et jura bernois). Elle avait pour but d'aider les instituteurs à connaître mieux la vie familiale et extrascolaire de leurs élèves ; de confronter un certain nombre d'observations particulières pour en tirer si possible des conclusions positives qui permettent de s'opposer, de s'adapter aux circonstances nouvelles et enfin d'attirer l'attention de l'opinion publique sur les difficultés actuelles de l'éducation des enfants pour que les adultes se pénètrent mieux de leur responsabilité à cet égard. Nous pensons intéresser nos lecteurs en extrayant des résultats de cette enquête quelques remarques personnelles communiquées par ces maîtres ou quelques chiffres très suggestifs. Les loisirs. - Dans les villes et les gros bourgs, on peut estimer que le tiers des plus grands et la moitié des plus jeunes enfants sortent avec leurs parents le dimanche. Les autres vont au match, au cinéma ou jouent dans la rue. - Les petits ne roulent pas moins que les grands le dimanche: dans une classe de 26 élèves de 9 ans, 5 voyagent en train, 11 en auto, 7 à bicyclette ou à moto, tandis que dans la classe parallèle qui compte 25 élèves, 13 font une promenade avec leurs parents, 4 vont au cinéma, 8 jouent dans la rue ; en outre, 5 passent le samedi soir au café avec leurs parents. Plus que par le passé, et c'est l'avis exprimé à la quasi unanimité, les enfants partagent toute la vie et tous les loisirs des adultes. Résultat : fraîcheur enfantine déflorée, les plaisirs d'enfants ne leurs inspirent trop tôt que du dédain. Les adultes qui s'« amusent » perdent leur prestige aux yeux des jeunes. Dans bien des villages, on connaît encore les jeux saisonniers que pratiquent surtout les plus jeunes enfants. Chez les plus âgés, on observe « une tendance à ne plus jouer ». Les garçons jouent encore aux billes, fin mars-avril ; les règles sont modifiées dans ce sens que la fraude est beaucoup plus facile, on se rapproche, on change de place, on modifie même la règle en cours de jeu. - Comme dans tous les cas, la règle du jeu ne doit être qu'à leur avantage, cela finit toujours par des chicanes ou des compromis dans lesquels le plus faible doit se plier. - Aux récréations, ils s'amusent de préférence à se poursuivre et à se batailler pour la seule satisfaction de se donner du mouvement. Leurs ébats témoignent de peu d'imagination et ils s'y montrent parfois brutaux quand ils ne sont pas surveillés. De toutes les observations à ce sujet, retenons cette tendance actuelle des enfants à rechercher dans leurs jeux spontanés : la facilité, le mouvement et… le gain matériel d'où les fréquentes disputes. L'assouplissement, voire la disparition, des règles enlève la joie des victoires et ne donne plus de prix et plus de sens au jeu. On peut certifier que le 85 à 90 % des enfants ont la radio à la maison et que le 60 % d'entre eux peuvent l'ouvrir et l'utiliser à leur gré. Le temps d'écoute des écoliers varie de ½ h. par jour à 5 ou 6h. On peut admettre que dans 32% des familles, la radio est en marche toute la journée, alors que le 68% se contente de l'écouter à midi et le soir. En moyenne, le 23 % des écoliers font toujours leurs devoirs pendant que la radio parle ou joue. Le 4,2 % travaillent souvent avec la radio. - L'influence la plus néfaste de la radio sur les enfants, c'est qu'elle les habitue à entendre sans écouter. Elle use la faculté d'attention des enfants. Le maître de classe, très souvent, n'est plus qu'une radio qui parle et qu'on n'écoute plus… comme l'autre. - Elle fait prendre les habitudes suivantes : Tout doit être facile à comprendre ; tout doit être récréatif; ce qui est un peu ardu ou pas amusant est entendu et non écouté. Toutes les remarques faites montrent l'indiscipline qui règne dans les familles dans l'utilisation de la radio. Il est urgent, dans ce domaine, d'entreprendre une campagne pour l'éducation des parents. Les difficultés essentielles de l'enseignement sont: inattention ; incapacité de se concentrer, de vouloir ; dispersion des esprits ; passivité intellectuelle. - L'enfant subit toutes les contingences familiales, scolaires, sociales ; il ne se pose pas de question ; il accepte sa vie sans désirer de changement, il aime la facilité, n'a pas de goût pour l'effort, pour l'attention prolongée. - Les élèves ont peu le goût de l'effort personnel tout leur arrive mâché. - En général, ils préfèrent le travail qui ne nécessite pas un gros effort de réflexion… Le travail de recherche personnel les attire moins… La peur de l'effort et le manque d'initiative est ce qu'il y a de plus caractéristique chez la plupart… - Ils sont rebelles aux exercices de mémorisation et oublient vite… Il faut voir la cause de ces déficits dans l'éparpillement de l'attention sur une foule de sujets sans rapport avec l'école. Cette enquête a permis de connaître avec netteté une mentalité nouvelle de nos enfants, née des guerres successives et des bouleversements qu'elles ont produits, de la mécanisation progressive de l'existence et du développement de moyens d'information et de circulation, et de constater que l'état d'esprit des enfants reflète évidemment celui des adultes au milieu desquels ils vivent. Or, notre société ne paraît plus attachée à de solides croyances religieuses et morales; aucune grande idée ne relie plus tous les hommes qui semblent vivre au jour le jour, en proie à leurs soucis matériels et aux bavardages d'une actualité futile ou inquiétante que répand la synchronisation du journal, du cinéma et de la radio. En outre, cette enquête a été pour les maîtres une prise de conscience de leurs difficultés communes, comme aussi de la solidarité qui les lie dans l'oeuvre à accomplir. Puisse t-elle avoir convaincu de surcroît les mauvais plaisants qui, sans contact journalier avec une même classe primaire les accusent volontiers de pessimisme. |
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