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Léon et Coralie
Jeanne et Katy se connaissent depuis leur plus tendre enfance, ont fréquenté les mêmes classes, subi les mêmes profs et dansé sous les mêmes boules-miroir dans leurs discothèques préférées. A moins d’un an d’intervalle, elles se sont mariées et depuis plus de deux ans, elles sont mamans de leur premier enfant.
Leur parcours commun s’arrête là. Léon, le fils de Katy, a bientôt 28 mois. Il avance dans la vie à grands petits pas, souvent d’ailleurs au prix de vilaines bosses et d’écorchures. Aujourd’hui au parc, dès qu’il repère le coin jeux, le moins que l’on puisse dire c’est que l’enthousiasme le révèle : il crie et trépigne d’impatience. Sa joie est telle que le parc entier est mis au courant. Sa maman, dont le bras depuis un moment s’allonge, finit par le lâcher.
Léon ne marche pas, il décolle ! Sur sa trajectoire, Léon-la-Comète qui a instinctivement compris le principe de la ligne droite, piétine les fleurs d’un talus bêtement situé entre l’allée du parc et la place de jeux, renverse un bambin qui se baissait pour ramasser un ballon, bouscule celui qui s’aprêtait à monter sur le toboggan et grimpe les marches comme s’il avait, telle la comète, le feu aux fesses. Atteignant le sommet, il se sent ni plus ni moins le roi du monde. Il plonge alors sans la moindre hésitation la tête la première jusqu’au bas de la rampe, entraînant avec lui une fillette inconnue qui ingénument le précédait et qui, la pauvre, n’en peut mais.
A l’arrivée du duo, Léon triomphe. L’espace d’un quart de seconde, il s’étonne juste de voir pleurer sa nouvelle camarade de jeu. Mais vite fait, il bifurque et recherche du regard sa maman qui n’en est encore qu’au bout du chemin et qui s’essouffle à vouloir le rattraper en hurlant « Léé-oooon ! ». Chic, constate ce dernier ravi, maman est lente mais elle a compris où j’allais. Léon ne la regarde même plus. Il devine déjà que son prénom va être suivi de l’autre mot, celui qu’elle a l’habitude de rajouter après « Léon », un truc qui rime, à trois temps.
Et ce mot ne tarde pas : « ATTENTIOOON ! ». Rassuré, Léon sourit. Youpi, se dit-il, tout se passe dans l’ordre des choses, la vie est belle et par conséquent, un deuxième tour de toboggan s’impose !
Quant à Jeanne, elle observe Coralie qui va sur ses 3 ans. Sa fille est aussi prudente et posée que Léon est remuant, intrépide et casse-cou. Katy passe ses journées à crier « NON !» alors que Jeanne encourage les tentatives délicates et mesurées de sa fillette. Jeanne rit et Katy pleure. C’est comme un dicton, comme une fatalité génétiquement programmée.
- Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu pour avoir un énergumène pareil ? gémit Katy. Depuis que Léon sait marcher, j’ai l’impression de passer mes journées à le gronder, c’est épuisant !
Jeanne admet qu’elle a de la chance d’avoir une gamine aussi calme. Certes, parfois trop timorée, Coralie doit être poussée à aller vers d’autres enfants avec qui elle n’ose pas jouer, préférant rester collée aux jupes de sa maman. Si Léon savait marcher à 10 mois, pour Coralie, il a fallu attendre passé un an pour assister à son premier mouvement, très relatif, d’indépendance.
Lorsque Jeanne prend Léon en charge pour quelques heures, histoire de soulager son amie, elle constate que la vie est contraste et qu’elle présente autant de facettes qu’il y a de petits bouts de miroir collés sur une boule de dancing. Grâce à quoi, notre monde brille de mille feux et s’enorgueillit de refléter toutes nos différences.
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