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Les lecteurs ont la parole : L’autorité en question
Depuis l’injonction de mai 68 « il est interdit d’interdire », l’autorité a mauvaise presse sous toutes ses formes : elle n’est plus que répressive. Face au pouvoir de tant d’autorités cachées, insidieuses - l’économie, les sciences et la technologie, les media, les modes, la floraison de « voyants » de toutes sortes, la violence entre élèves et contre les enseignants dont l’autorité n’est pas acceptée - je me bornerai à quelques idées pour de jeunes parents. Désécurisés, ils sont nombreux ceux qui écartent toute idée d’autorité. Et pourtant…
Que faites-vous quand vous voyez votre petit explorateur de deux ans tendre la main vers une plaque de cuisinière enclenchée ? Instinctivement, vous lui dites : « Non ! ». De même, dans la rue, vous direz : « Non ! » à l’enfant qui fait mine de s’élancer sur la chaussée sans regarder. Dans l’intérêt même de l’enfant, vous exigez une obéissance immédiate - indispensable en cas de danger – sans explication. Est-ce là une autorité répressive ?
Quand vous demandez une telle obéissance, vous utilisez en fait deux types d’autorité : une autorité de fonction (celle de parent responsable) soutenue par l’autorité de compétence que vous a donné votre expérience de vie en vous enseignant une perception du danger que l’enfant doit apprendre en grandissant.
Bien des jeunes parents ont été déchirés entre les théories modernes libertaires (par exemple laisser toute décision à l’enfant ou être des parents-copains) et la nécessité d’imposer certaines choses s’ils voulaient survivre aux demandes égocentriques de leur rejeton. Cependant, ces actes d’autorité - auto ri té peut-être bien involontaire, contraire à vos principes même - peuvent prendre des directions divergentes. Si, une fois le danger ou l’exaspération passés, vous n’expliquez pas pourquoi vous avez imposé un interdit, votre exigence d’obéissance aveugle peut devenir une prise de pouvoir sur celui qui ne sait pas et que vous maintenez dans l’ignorance ; pouvoir dû à votre rôle de parent qui, par principe, a raison et sait mieux (l’éducation conformiste notamment visée par mai 68). Mais si, une fois le danger écarté, vous démontrez avec amour, par exemple, le risque de se brûler en approchant sa menotte de la plaque brûlante - ou, dans la rue, vous montrez à votre enfant comment s’arrêter au bord du trottoir et à regarder à gauche, puis à droite, pour s’assurer qu’aucun véhicule ne menace de l’écraser, vous lui transmettez un savoir qui, à plus longue échéance, enseigne à l’enfant à devenir responsable de ses actes et finalement autonome, but de toute éducation.
Toutefois, cela implique que votre « capital de mieux-savoir » que vous donne l’autorité de compétence diminue au fur et à mesure que votre enfant grandit et acquiert « autorité » sur sa propre vie. Cette transmission-là de pouvoir ne va pas de soi, car elle entraîne, pour les parents, la diminution graduelle et finalement la perte de l’autorité parentale de principe. Reste cependant la transmission de valeurs séculaires (respect d’autrui, honnêteté, loyauté, courage, persévérance même devant un échec…) qui créent un lien intergénérationnel qui enracine l’enfant comme un maillon entre passé et avenir.
Après deux ou trois décennies où les seules autorités reconnues étaient celles de l’économie, de la technologie, etc., il semble que l’Occident redécouvre que les « anciens » (ceux qui transmettaient un savoir-vivre existentiel par les mythes, les livres saints ou sacrés, les contes de fées…) et les professeurs capables de transmettre cet art de vivre dont nous avons perdu le secret ont quelque chose à dire que ni les sectes, ni les idéologies aux absolus indiscutés, ni les techniciens rattrapés tous les trois mois par leur technique ne peuvent donner : l’autorité de compétence née d’un lent apprentissage de la vie sociale, de l’esprit critique et du sens de la responsabilité, qualités développées à partir de petits actes quotidiens indispensables à une vie en société assumée, autrement dit à l’apprentissage d’une adhésion - choisie plus tard dans la liberté - à l’autorité de normes culturelles (perfectibles) qui assurent le respect de l’individu dans sa société.
Certains mots disparus depuis des décennies réapparaissent : va leurs, respect, limites nécessaires, compétence, autorité, etc. N’indiquent-ils pas tous qu’une certaine forme d’autorité est nécessaire et légitime pour la survie de la société humaine ? Ne serait-il pas temps de définir un usage positif de la bonne autorité en matière d’éducation, une autorité inspirée par le désir de faire évoluer celui ou celle sur qui elle s’exerce ?
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