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Entre mères (Suite)

Il me semble entendre quelques mères s'écrier: «C'est très joli toutes ces théories, mais la pratique, ce n'est pas si commode! Vous ne comptez donc pour rien les caprices du bébé; ses idées à lui qui ne sont pas toujours d'accord avec les nôtres et qu'il manifeste par des pleurs, des cris, des rages. Alors, tous les beaux principes s'écroulent et, pour avoir la paix, il faut bien satisfaire les désirs du petit tyran.»

A ceci je réponds: Pour avoir dès le début et toujours la paix il faut, lorsqu'on est persuadé qu'un principe est bon, être décidé à le maintenir coûte que coûte. Qui ne commande pas obéit et qui n'obéit pas commande, a dit Sénèque. Qui doit commander dans la famille ? Vous ou votre enfant ?

Si c'est vous, soyez décidés à vous faire obéir et cela non pas quand l'enfant aura sept ans, mais la première fois que vous voudrez ce que M. Bébé ne veut pas ou viceversa. De la manière dont vous vous comporterez à la première résistance peut dépendre l'éducation toute entière.

Pendant les premiers mois, je n'eus pas de luttes positives avec mon aînée. Elle n'était pas toujours disposée à rester dans son berceau quand il le fallait, mais je ne m'en troublais guère. Je la laissais pleurer jusqu'à ce que le sommeil vint, sachant que c'était pour son bien.

Cependant, à l'âge de quatre mois (alors que je l'allaitais en lui donnant aussi deux repas par jour au biberon), il lui prit fantaisie un soir de refuser le biberon et de vouloir le sein. «Désir bien légitime direz-vous, et qui flatte toujours une mère nourrice !» J'en jugeai autrement. Je vis nettement que si je cédais ce soir-là, il était fort probable que bébé récidiverait et alors ?...

Mieux valait vouloir de suite ce que je serais obligée de vouloir demain. J'insistai donc, biberon en main: Tout fut inutile. Pleurs, cris et refus redoublaient. «Puisque tu ne veux pas prendre ce que je veux te donner, tu iras «dodo» sans souper, voila tout, pensai-je. Tu ne seras pas malade pour un repas manqué tandis que ton caractère pourrait grandement souffrir d'un acte de faiblesse.» Je recouchai la petite dans son berceau où, après de nouveaux pleurs, elle finit par s'endormir. Au prochain repas, je lui offris son biberon qu'elle ne refusa depuis lors plus jamais. (1)

Avec chacun de nos enfants, nous eûmes ainsi l'occasion d'exercer de bonne heure notre autorité.

La plus facile de nos fillettes avait pendant quelques jours été très choyée par une parente en séjour chez nous. A peine celle-ci partie, l'enfant, pour la première fois, se regimba énergiquement contre l'ordre donné par sa bonne de ramasser ses jouets épars sur le plancher. Elle avait alors deux ans. La bonne, pressée de débarrasser la chambre pour le repas du soir, venait de ramasser elle-même les jouets lorsque j'entrai et fus mise au courant de la révolte enfantine. «Remettez les jouets par terre, dis-je à la bonne; l'enfant doit obéir.» Les jouets replacés, je réitérai à la fillette l'ordre de les ramasser. Refus catégorique.

J'avais lu, quelques jours auparavant, un article pédagogique concernant les petites scènes que les enfants provoquent facilement le soir alors qu'ils sont fatigués et parfois un peu énervés. L'auteur recommandait dans ce cas non la faiblesse, mais l'indulgence, et conseillait, tout en maintenant l'ordre donné de laisser si possible le repos de la nuit faire son effet avant d'exiger la soumission.

Mettant à profit les conseils du pédagogue, je dis tranquillement mais très fermement à la fillette de faire ce qui lui était demandé sans quoi on la mettrait au lit immédiatement. Elle refusa d'obéir. On la porta sur son lit, elle pleura, puis appela en déclarant qu'elle voulait obéir, ce qu'elle fit en effet.

Dans une circonstance semblable notre petit garçon s'endormit, mais obéit volontiers à son réveil.

Ayant constaté que les enfants étaient bien moins disposés à l'obéissance le soir, nous avons évité de leur donner à ce moment de la journée les ordres que nous savions ne pas devoir être exécutés de bonne grâce. Il faut au besoin savoir aider les enfants à obéir. Ne réclamons-nous pas, nous, adultes, l'aide, l'indulgence de nos semblables. Mais, encore une fois, indulgence n'est pas synonyme de faiblesse et les mères qui prétendent ne vouloir jamais contrarier leurs enfants parce qu'elles les aiment trop, montrent par là même qu'elles les aiment d'un amour égoïste. Pour s'éviter un ennui ou un chagrin passager, elles ne craignent de laisser croître dans ces jeunes coeurs l'esprit d'insuordination qui causera un jour le malheur de tous.

Faut-il donc briser la volonté des enfants le plus tôt possible et par tous les moyens possibles ?

Non pas. Brise-t-on les branches du poirier qu'on veut disposer en espalier ? Brise-t-on la nuque du jeune cheval qu'on veut dresser ?

Il ne s'agit pas de briser mais de soumettre ou mieux encore d'incliner.

Une forte volonté est un des plus beaux dons de la nature. Lisez sur ce sujet les pages si suggestives de M. G. Gory et vous verrez comment il juge les enfants volontaires (2).

Alfiéri ne disait-il pas: «Je suis un homme qui a voulu, voulu, voulu, voulu de toutes ses forces.» Loin de briser la volonté de votre enfant, apprenez-lui à vouloir, à vouloir de toutes ses forces, à vouloir si bien qu'il en arrive à vouloir pour ainsi dire ce qu'il ne désire pas, c'est-à-dire à se rendre maître de lui-même afin que là où il a envie de céder au mal , il apprenne à dire: «Je veux faire ce qui est bien.» Ceci n'est pas l'éducation d'un jour, c'est parfois celle de la vie entière et plus d'une maman se sent encore à l'école n'est-ce-pas ?

Enseigner à vouloir, voilà donc la tâche de tous les éducateurs. Par quels moyens ?

Le raisonnement est-il possible avec des cervelles à peine entr'ouvertes et les coups ne sont-ils pas barbares ? Telle est votre seconde question.

Je vous ai déjà montré comment le bébé encore au berceau peut apprendre que ce n'est pas lui qui commande.

Un peu plus tard, l'autorité maternelle s'affirme de bien des manières: la voix, le regard suffisent parfois pour se faire obéir, mais il est évident que ces moyens ne seront efficaces que dans les familles où un ton de reproche, une voix grondeuse, un regard sévère sont l'exception.

Si les éclats de voix et les mouvements d'irritation se renouvellent fréquemment, l'enfant n'y fait plus attention et qui pourrait l'en blâmer ? C'est malheureusement ainsi que beaucoup d'éducatrices rendent inutiles, pour s'en être servies sans discernement, les armes à la fois les plus douces et les plus puissantes dont elles fussent pourvues.

On gronde à tort et à travers et l'enfant finit par faire la sourde oreille. On menace, mais comme la menace a été rarement suivie d'exécution, l'enfant n'y ajoute pas foi.

On multiplie les promesses, mais celles-ci non plus n'étant presque jamais réalisées, l'enfant ne s'y laisse plus prendre. On prodigue les caresses et les termes de tendresse mais cette affection passionnée et changeante laisse bientôt l'enfant indifférent et lassé.

On essaie les affirmations à la fois cruelles et menteuses: «Je ne t'aime plus, tout le monde se moque de toi, tu es un démon, un vaurien, etc... » Au début ceci, comme le reste, obtient quelques succès apparents et puis l'enfant en arrive à prendre son parti d'être détesté, d'être un démon ou un vaurien, à moins (ce qui est plus probable sans être meilleur) qu'il ne se dise: «Ce n'est qu'une blague de plus ! ... »

Au milieu de tout cela, gifles et fouettées ont trouvé place, corrections généralement proportionnées non à la faute commise, mais au degré d'énervement, de colère, de contrariété de père, mère ou domestique.

Les coups ne sont-ils pas barbares demandez-vous ? Administrés dans ces conditions, oui certes ils le sont. Et dans le genre d'éducation que je viens de résumer, ce ne sont pas seulement les coups qui sont barbares et dangereux, ce sont aussi ces gronderies sans fin, ces menaces et ces promesses vaines, ces témoignages d'affection déréglés, ces affirmations mensongères, toutes choses qui conduisent à la déformation ou l'atrophie du coeur et de la conscience. Et c'est pourtant ainsi qu'une mère qui ne se consolerait pas de voir son enfant physiquement estropié par un accident devient le premier instrument de la mutilation morale de celui qu'elle prétend aimer au-dessus de toute expression.

On pourrait discuter à l'infini sur la légitimité et l'opportunité des châtiments corporels et de tel ou tel autre moyen de punir sans arriver à un résultat bien satisfaisant. Ce qui, plus que le châtiment me paraît important, c'est l'esprit dans lequel il est infligé. Toute notre manière d'agir avec nos enfants devrait être sérieuse et réfléchie ce qui n'exclut nullement la gaîté mais, exclut l'injustice, l'impatience, les considérations égoïstes, la partialité, la violence, le mensonge.

Certains enfants élevés ainsi et habitués de bonne heure à obéir à un regard, un geste, un mot, n'ont jamais eu besoin d'une fouettée. D'autres, élevés cependant avec amour et sagesse, ont été châtiés, mais ce châtiment infligé avec tristesse, sans colère et suivi peut-être de paroles sérieuses et convaincantes a produit la repentance qui rend le retour de la faute plus difficile et plus rare.

De très jeunes enfants de 2 ou 3 ans, je suppose, ne comprennent parfois la gravité d'une action que par une punition exceptionnelle.

J'ai connu une famille où les fillettes n'avaient jamais été fouettées que pour le mensonge, mais pour chacune, le cas ne s'était présenté qu'une fois. Une seule correction accompagnée de paroles très sérieuses avait suffi pour leur donner une haine profonde de tout manque de véracité.

Chez nous, par contre, les fouettées ayant été employées pour les révoltes enfantines ou choses semblables, j'ai senti la necessité lorsque le mensonge a fait son apparition chez une de nos fillettes, de le traiter «à part», c'est-à-dire de ne pas punir mais de parler à la conscience de l'enfant dans un entretien particulier. Elle avait alors 6 à 7 ans et, convaincue par mes paroles et mes larmes de la gravité de sa faute, elle n'y est pas retombée.

(A suivre.)

(1) Il est évident que ceci est une expérience toute personnelle qui ne pourrait être donnée comme règle.

(2) La réforme libérale de l'éducation scolaire, par G. Gory, Dr és-lettres, Paris.









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