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Eduquer
c’est amener à l’autonomie
« Tu t’imagines, elle lui prépare chaque soir ses habits ! » Mon fils d’une dizaine d’années rentre surpris de chez son copain. Cela fait longtemps qu’il choisit lui-même ses vêtements et qu’il est parfaitement autonome dans ce domaine, aussi s’étonne-t-il qu’il n’en soit pas ainsi ailleurs.
Quelques jours plus tard je me retrouve avec des amis autour d’un apéritif, lorsque soudain l’une des invitées prend congé, elle doit rentrer préparer le repas de sa fille. Voyant mon regard étonné, sa fille a 24 ans, elle s’explique : « Elle prépare des examens universitaires, doit se nourrir sainement et n’a pas le temps de cuisiner. » L’argument est sans appel. Il ne servirait à rien de lui expliquer que beaucoup d’étudiants vivent seuls, sont parfois même parents et réussissent quand même leurs examens.
Ces deux mères se sentent indispensables en s’occupant ainsi de leurs enfants, elles leur évitent des soucis et des erreurs, mais elles ne leur apprennent pas à se responsabiliser.
Il est vrai que tout apprentissage, comme par exemple celui de l’habillement adéquat pour un enfant de cinq ans, réserve parfois quelques surprises. C’est l’âge où les petites filles aimeraient ne porter que des robes froufroutantes roses à paillettes, et leur laisser le libre arbitre dans ce domaine peut s’avérer périlleux. Mais il y a moyen de contrecarrer ces envies: ainsi une de mes connaissance est allée acheter du pain, en plein mois de janvier, accompagnée de sa fille en robe légère, socquettes et sandalettes. Il ne lui a fallu aucune explication supplémentaire pour que sa princesse change de tenue et accepte sans révolte un vêtement de circonstance.
Le fait de laisser de l’autonomie à nos enfants nous fait perdre une certaine emprise sur eux. Lors des premiers pas vers l’indépendance, il y a des notes discordantes. Il faut accepter qu’ils fassent les choses différemment de ce qu’on aurait imaginé ou voulu. Il est parfois indispensable de diriger, d’aider ou de soutenir, mais il faut apprendre à lâcher prise.
Je me souviens de nos filles qui à deux ans disaient : « non je veux faire toute seule ! » c’était souvent plus long et maladroit, mais petit à petit elles ont appris à se débrouiller sans nous pour bien des activités.
Une discussion récurrente avec des amies concerne les repas préparés à l’avance lorsque nous sortons ou lorsque nous nous absentons pendant quelques jours. Certaines d’entre elles prévoient tous les menus, ils sont équilibrés, préparés par portion et le programme est affiché sur la porte de la cuisine. Je ne me sens pas très bonne mère lorsque j’explique que cela fait longtemps que je ne prépare plus rien. Les enfants cuisinent ce qu’ils veulent lorsque nous ne sommes pas là. Ils ne sont pas complètement laissés à l’abandon, il y a des repas prêts au congélateur, des réserves de pâtes et de riz, des yogourts, du pain et du fromage, ou, encore mieux, un billet permettant de faire les courses. Evidemment le menu sera plus souvent constitué de raviolis en boîtes ou de hamburgers que de légumes frais, mais de temps en temps, cela ne fait de mal à personne. Par contre mes amies ont de la peine à me croire lorsque je leur dis que la cuisine est rangée après le repas, qu’ils font démarrer la machine à laver lorsqu’elle est pleine, qu’ils savent faire une mayonnaise, un gâteau ou des rouleaux du printemps. Pour en arriver là, il a fallu prendre le risque que la vaisselle soit mal faite, que certaines choses soient mal rangées ou peut-être même abîmées, qu’ils se coupent avec un couteau ou qu’ils se brûlent, et il a surtout fallu admettre qu’ils étaient capables de se débrouiller sans nous et que nous ne sommes pas toujours indispensables.
Cette autonomie s’acquiert dans de nombreux domaines : l’argent de poche initie à la gestion de ses finances ; quelques cartes écrites avec une orthographe incertaine permettent de savoir écrire une adresse, puis de rédiger une lettre, plus tard un CV ou une offre d’emploi. Connaître le fonctionnement du lave-linge apprend à ne pas se retrouver sans habits lors de l’absence des parents : il suffit de savoir qu’en cas d’hésitation il est préférable de choisir un programme pour tissus délicats. Partir en vacances avec une bande de copains est formateur dans de nombreux domaines. Et il existe beaucoup d’autres exemples
Dans chaque situation le corollaire est une perte de maîtrise et une certaine acceptation du risque du côté parental qui sont associées à une conquête de la liberté et à un apprentissage des responsabilités du côté des enfants. Ce sont des étapes indispensables qui mènent à l’autonomie et qui préparent à l’âge adulte.
Cet article est notre contribution mensuelle à la campagne « L’éducation donne de la force ».
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