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Enfants prodiges

A côté du plus tendre amour pour son enfant, règne dans Ie coeur de la mère un sentiment non moins profond, mais moins pur et plus personnel: l'admiration, qui a d'abord pour objet ce petit corps si merveilleusement formé. Plus tard, c'est le premier sourire, l'éveil de la jeune intelligence, puis les progrès constatés de jour en jour, et peu s'en faut que la mère fie s'écrie: «Pareil enfant ne s'est jamais vu! L'imagination aidant, le cher petit nouveau-né ne tarde pas à paraître aux yeux charmés de ses parents comme un enfant extraordinaire, un enfant prodige! Ses faits et gestes sont enregistrés avec enthousiasme, ses saillies racontées avec emphase, il doit exhiber devant les amis et connaissances ses petits talents: réciter telle poésie, chanter tel refrain, toujours les mêmes, produisant toujours le même ravissement chez les auditeurs et la même vanité chez les parents, et bientôt, hélas! chez l'enfant ainsi adulé.

Puis, viennent les comparaisons avec d'autres petits camarades moins bien doués, semble-t-il, et ce fils demandé peut-être à Dieu dans la prière devient inconsciemment une pierre d'achoppement où viennent sombrer l'humilité chrétienne et la charité. Prenons-y garde.

L'admiration n'est point en elle-même un sentiment blâmable, surtout si elle a pour objet le plus merveilleux chef d'oeuvre de la création; mais c'est à la condition de n'être point aveugle et de ne pas nuire à celui qui la fait naître. Mère, votre fil n'est point un prodige! Dans ce siècle de surmenage intellectuel, il n'est pas rare de rencontrer des enfants précoces, et plus d'un parent pourrait s'appliquer cette parole que j'ai entendue de la bouche d'un honnête commerçant: «Mon fils en sait plus à sept ans que je n'en savais à quatorze; pourtant je n'étais pas un sot !»

Mère chrétienne, cette intelligence qui comprend aisément, cette mémoire qui retient tout, cette vive conception et assimilation des choses qui lui sont enseignées; tous ces dons rendent-ils votre enfant bon, aimant, respectueux, serviable ? Sont-ils des auxiliaires à l'oeuvre spirituelle et morale que vous désirez avant tout voir s'accomplir en lui ? Ou bien, les avez-vous substitués dans l'esprit de votre enfant par votre admiration irréfléchie aux grâces principales, à celles qui, pour vous-même et pour lui, font le sujet de vos, prières de chaque jour ?

Des encouragements, de la tendresse et de la confiance mais point d'adulation, rien qui ressemble à de la flatterie, rien qui excite la vanité, l'orgueil, les comparaisons malveillantes! Remercions Dieu dans le secret s'Il a bien doué notre fils; mais n'oublions pas qu'en dehors de la piété, l'intelligence peut devenir un piège. N'avons-nous jamais entendu parler d'hommes rusés qui ont réussi à spolier des compagnons moins habiles? Ceux-là étaient aussi dans leur temps des enfants précoces, peut-être de ceux que leurs parents admiraient pour leur vive intelligence, dépassant à leurs yeux celle des enfants de leur âge. Malheureusement ils n'avaient point été élevés selon l'Evangile et dans la crainte de Dieu, aussi, énivrés par l'encens d'une louange inconsidérée, ont-ils abusé de leurs dons, et l'Ennemi s'en est servi comme d'instruments de péché.



Dans le coeur le plus pur le mal est près d'éclore;
Un ver peut se glisser dans les fruits les plus doux
Les dons les plus parfaits; si Dieu n'est avec nous,
Recèlent un danger que l'imprudence ignore.

Ah! demandons à Dieu pour nos petits enfants
Non seulement l'amour, mais encor la sagesse,
De peur que les élans d'une folle tendresse
N'enlèvent le parfum de leurs coeurs innocents.

Qu'ils grandissent à l'ombre et dans l'inconscience
De nous avoir ravis par Ieurs petits progrès
Et pour nous éviter d'inutiles regrets,
Louons le Donateur de toute intelligence.









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