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L'avant-dernier

C'est un tout petit bout d'homme, quatre ans à peine; on voit d'emblée qu'il porte sa première culotte et cet habillement de grand garçon le fait paraître plus minuscule encore. Il ne va pas à l'école, il ne sait pas compter jusqu'à cinq, il ne se sert pas toujours du mouchoir, souvent très sale qui gonfle, parmi d'autres trésors, la poche de son pantalon; il se couche à six heures, après avoir soupé tout seul sur un coin de la table, d'un bol de lait et de pain trempé. Quand on parle des «grands» cela va sans dire qu'il n'est pas de leur nombre; il est petit, et le sait bien. Pourtant, il n'est pas le tout petit. Il l'était, il y a quelques mois. Sa jolie couchette était tout près du lit de maman, dans la grande chambre où il se sentait si bien protégé. Le matin, en ouvrant les yeux, il rencontrait le regard de sa mère, et parfois recevait la permission de venir un moment dans son grand lit, «à la chotte» comme disent les aînés. Puis, maman le baignait, l'habillait en chantant, maman lui faisait manger sa soupe ou son lait; quand il faisait beau temps, elle le promenait, à pied, ou dans sa petite voiture lorsqu'on allait très loin. On ne l'appelait pas Pierrot, mais Bébé et il était le favori de chacun.

Puis un jour - il ne s'en souvient guère, tout cela se perd dans le vague - un jour c'est Louise, la domestique, qui lui a fait faire une longue, longue promenade. Lorsqu'il est rentré, il a en vain réclamé maman; on lui a dit qu'elle était malade et c'est papa qui l'a déshabillé et mis au lit dans sa couchette qu'on avait transportée dans la chambre des «grands».

Le lendemain il a pu entrer un instant dans la chambre de sa mère, et là, il a trouvé, à la place où il avait dormi si longtemps, un berceau aux rideaux de mousseline. Papa les a un peu écartés, l'a soulevé dans ses bras et lui a montré une toute petite créature très rouge en lui disant: «Regarde le mignon bébé que le bon Dieu nous a envoyé.»

Dès lors, la vie de Pierrot a été bien changée; d'abord on ne l'a plus appelé Bébé, plus jamais!

Et puis, maman n'a plus eu Ie temps de l'habiller; c'est Louise qui s'en est chargée; elle ne chante pas, mais lui répète bien souvent: «A ton âge, Pierrot, on devrait savoir boutonner sa culotte, lacer ses souliers.» Pierrot voudrait bien, mais quand il essaie, cela va tout de travers, et personne ne se donne la peine de lui montrer comment il faut s'y prendre. Dès qu'il fait du bruit en courant ou en jouant, ou lui dit: «Doucement, tu vas réveiller Bébé !» Et si Bébé pleure, on croit toujours que Pierrot en est cause.

Plus question d'aller jamais dans la petite voiture, même s'il est très fatigué; à présent, c'est la voiture de Bébé. Plus question non plus d'occuper la chaise haute qui était si commode pour jouer; c'est la chaise de Bébé. Pierrot n'est pas jaloux, oh! non; il aime tendrement ce petit frère; seulement il est quelquefois un peu triste et se demande si tout ce qu'il possède, tout ce qu'il aime, depuis sa maman jusqu'à son cheval blanc, il devra le céder à ce bébé qui l'a éclipsé et lui a déjà pris tant de choses. Il se sent encore très petit, comme un oisillon qu'on aurait trop vite chassé du nid, et il ne sait où se réfugier.

Ah ! si maman comprenait cette petite âme d'enfant qui se comprend à peine elle-même ! Cela lui prendrait si peu de temps de laisser grimper quelquefois son Pierrot sur ses genoux, de le serrer bien fort contre son coeur et de lui dire, entre deux baisers, combien elle l'aime. Elle pourrait si bien, l'habiller ou le coucher de temps en temps elle même comme autrefois; elle pourrait surtout lui faire comprendre qu'elle l'aime autant que jamais, autant que le mignon bébé pour lequel elle réserve à présent ses noms les plus tendres et ses sourires les plus doux. Elle remplirait de joie ce coeur affectueux et le dernier venu n'y perdrait rien; Pierrot comprendrait quel honneur et quel privilège c'est pour lui d'être l'aîné de ce tout petit, de lui donner le bon exemple et de l'avoir bientôt pour camarade de jeu et pour ami.

Mères, qui avez un «Pierrot» ne le négligez pas, ne le mettez pas de côté; veillez à ce que cet amour instinctif que vous éprouvez pour le «tout petit» pour celui qui est, non seulement votre enfant, mais votre bébé, n'empiète pas sur les droits du bébé de hier! Il a grand besoin de vous encore; il a même plus grand besoin peut-être de vos caresses et de votre amour que son mignon successeur. Tandis que bébé repose sur vos genoux, mettez un bras autour du cou de votre avant-dernier et dites-lui: «Mon chéri, je t'aime !» La réponse ne se fera pas attendre.









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