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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURUn enfant désagréable - C'est un enfant si désagréable que je redoute de recevoir sa mère qui l'amène toujours avec elle - disait une dame qui me parlait des hôtes dont elle attendait la visite. Mais, ajouta-t-elle, il faut bien m'y résoudre, car Marguerite m'a signifié qu'elle ne viendrait pas sans lui. - Qu'a donc cet enfant d'extraordinaire, demandai-je. A-t-il été mal élevé ? - Oh ! non, pas du tout, sa mère est très sensée; mais l'enfant est si maussade que personne ne l'aime, pas même son père. Il en est de même de sa grand'mère et de ses tantes, tandis que tout le monde raffole de ses petites soeurs. - Mais quels sont ses défauts ? - D'abord il est très étrange; jamais il n'a été franc, aimable, enfantin comme les autres petits garçons de son âge; toujours très réservé et défiant, ne montrant aucune affection pour personne. Je crois qu'il n'a pas de coeur, et il est aussi volontaire et obstiné. Sa mère doit le tenir très ferme; autrement, elle n'en viendrait pas à bout. Bref, il repousse tous ceux qui le connaissent. J'étais vraiment curieuse de voir la mère et le fils. Enfin, ils arrivèrent. La mère était une femme douce et paisible avec passablement de fermeté dans son expression, et l'enfant paraissait être exactement tel qu'on me l'avait décrit. Il avait huit ans et paraissait aussi réservé qu'un homme de trente. Evidemment, il était dans un de ses bons jours. Il répondit à toutes les questions qu'on lui posa, mais sans recevoir aucune avance, semblant vivre dans une position de neutralité armée. Les autres l'abandonnèrent bientôt; mais j'éprouvais une sensation si pénible à la vue de cet état de choses si peu naturel que je continuai à m'occuper de lui et à essayer de gagner sa confiance. - Je vois que Robert et vous commencez à être bons amis, me dit un jour la mère, et je vous remercie beaucoup de vos efforts. Si vous continuez ainsi à être aimable avec lui, vous le vaincrez et il ne vous oubliera jamais. Il a cette malheureuse idée que personne ne l'aime, et je crains que ce soit vrai. Il en est tellement persuadé que je suis la seule personne qui ait de l'influence sur lui. Il est très malheureux si je le laisse avec d'autres même pour un jour. Voyant que je l'écoutais avec sympathie, la mère continua. - Peut-être avez-vous entendu parler de lui comme d'un méchant garçon ? mes amis disent tous qu'il n'a point de coeur. - Oui, répondis-je, on me l'a dit aussi. - Ne croyez pas cela, je vous en prie. Il a un coeur, je le sais, et j'en ai la clef; mais depuis qu'il est né, le pauvre garçon a toujours été comme un Ismaël dans sa famille, sa main est toujours levée contre tous et il n'a d'amie que sa mère. Il a hérité d'une malheureuse disposition et d'un caractère sombre et obstiné; mais il a du coeur, et je vais vous en donner la preuve. Il y a quelque temps, il me désobéit volontairement un matin, et quand je voulus le reprendre, il se montra très hardi, ne témoignant aucun repentir. Alors je lui dis: «Robert, tu dois être puni; je ne puis pas te laisser grandir pour devenir un méchant homme sans essayer de te corriger. J'avais l'intention de t'emmener demain avec moi à la foire, mais j'irai sans toi. J'espère que cette punition t'apprendra à m'obéir une autre fois.» Je savais que ce serait pour lui un grand désappointement, et j'en étais bien attristée; mais cela devait être ainsi. Toute la journée, il fut aussi froid, aussi dur et aussi défiant que possible; je surveillais tous ses mouvements, prête à lui pardonner au moindre signe de repentance ou de regret, mais rien de semblable ne se produisit. Le moment d'aller au lit arriva, et quand il fut couché, je pris sa main et lui dis quelle douleur et quelle inquiétude il me causait. Je lui représentai quelle espèce d'homme il deviendrait s'il n'apprenait pas à se dominer pendant qu'il était jeune. Il m'écouta en silence; puis tout à coup, il se leva, se jeta dans mes bras et fondit en larmes. «Oh ! maman, s'écria-t-il, je me suis détesté toute la journée pour ma méchanceté envers toi. Je veux bien rester ici demain au lieu d'aller à la foire, je veux bien être fouetté, mais continue à m'aimer ! Si tu ne m'aimais plus, je ne pourrais pas le supporter.» Je ne pense pas qu'un tel enfant soit sans coeur, continua la mère, et vous ? - Moi non plus, répondis-je vivement, et je crois que vous le gouvernez de la bonne manière. Si vous persévérez, je suis sûre qu'un jour votre fils fera votre joie, car il a de nobles qualités. Il y a longtemps que se sont passés les incidents que je viens de raconter. Ce petit garçon est aujourd'hui un jeune homme, droit, courageux, consciencieux. Son cercle de parents et d'amis s'est étendu. Tous l'admirent maintenant; il les aime, mais rien ne peut être comparé à son amour pour sa mère. Elle connaît tous les secrets de son coeur et voit ses moindres désirs satisfaits par ce fils dont on disait autrefois: Quel enfant désagréable ! |
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