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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Trois portraits

Celui-ci, on dirait qu'il s'avance dans la vie en portant à bras tendus, devant lui, sa propre statue. Son moi encombrant recouvre toutes ses impressions d'un préavis favorable ou défavorable selon qu'elles lui soient, à lui, favorables ou défavorables. Il ne reçoit rien qu'à travers ce moi, et il ne donne rien qu'à travers lui, ce qui rend souvent ce don insupportable. Il vibre cependant à certaines grandes idées, à certaines grandes actions. Il a même un talent tout particulier pour en parler et s'en faire le défenseur. Et il le fait volontiers, car cela ne coûte rien à son moi, qui demeure intact et inentamé dans sa tour d'ivoire.

A-t-il une sensibilité ? on en douterait, et il en doute lui-même; c'est le seul point d'ailleurs qui l'inquiète quelque peu et lui fait entrevoir que peut-être il lui manque quelque chose. Mais à peine ce doute l'a-t-il effleuré, qu'il éperonne son moi et repart de l'avant, dédaigneux de ce que les autres pensent ou disent, les dominant de sa froide personnalité, coeur de métal plutôt que coeur de chair, que la dureté des temps a façonné à son image, sans beaucoup de peine d'ailleurs, car il est l'artisan de son époque tout autant que son produit. Son regard est calme et froid derrière ses lunettes de presbyte. Il examine la souffrance de loin et ne s'attendrit pas sur celle qu'il côtoie, et qu'il ne voit pas peut-être.

Mais il y aura certainement une faille un jour ou l'autre dans toute cette dureté, car il faut vivre jour après jour et de détails proches, quoiqu'on fasse, et un jour ces détails se révèleront meurtrissants ou tranchants; il souffrira, il aura froid, il aura peur, et alors le désert qu'il aura créé autour de lui reverdira-t-il pour adoucir ses pas ?

C'est là l'angoisse de cette destinée, le tragique de cette insensibilité, qui est moins rare que vous ne le croyez, lecteurs, et qui se cache peut-être, chez vous comme chez moi, sous des dehors plus nuancés ou moins marqués.

Et si vous sentez cette menace d'insensibilité peser sur l'un de vos enfants, le seul palliatif, parents, est de faire grandir en vous-mêmes un coeur si vivant et si chaud qu'à son contact la glace qui risque d'emprisonner le sien soit à tout jamais disloquée et fondue.


Et puis, il y a l'autre, celui qui est au contraire si vulnérable qu'un rien le blesse ou l'effraye. J'ai rencontré de ces natures sans coquille, semble-t-il, que la vie entame à chaque contour, qui est perpétuellement désarmé devant elle et sa victime permanente. Celui-là a beaucoup de sensibilité, mais sa sensibilité tourmentée réagit en susceptibilité.

Le voilà à son tour encombré par son moi , mais un moi pitoyable, toujours sur la défensive, qui ressent comme piqûres d'épingle chaque geste inattendu de son entourage. Sa sensibilité déviée, orientée sur lui-même, l'éloigne des autres au lieu de l'en rapprocher, car, finalement il s'entoure de pointes acérées, comme un hérisson, pour tenir à distance ce qui pourrait le faire souffrir.

Le beau don qu'il a reçu du ciel, ce pouvoir de ressentir intensément les choses, il en a fait un inutile instrument de supplice personnel, qui rend sa vie tourmentée et sans joie.
Il y en a beaucoup comme ça à qui la vie, ou leurs parents, n'ont pas appris à se comporter avec courage et confiance, en ouvrant fermement tout leur être à ce que l'existence apporte alternativement de soleil et de pluie, de peine et de joie, de paix et de combat.

Il faut commencer très tôt à rendre les enfants courageux devant la vie, en le vivant d'abord soi-même, bien entendu; et alors diminuera le nombre de ces êtres douloureux si souvent rencontrés, qui souffrent et font souffrir avec leur sensibilité tournée en dedans, vers eux-mêmes, comme une vrille acérée les perforant sans cesse.

Avec ces gens-là, il faut beaucoup, beaucoup de patience et d'amour pour les délivrer d'eux-mêmes.


Et puis, j'ai aussi rencontré des êtres de choix dont la sensibilité est à la fois force et douceur, sagacité et don de soi. En voici un:

A première vue, il ne se distingue pas des autres, car il est tranquille et modeste, mais cependant le regard de ses yeux bruns attire et inspire confiance. Ce regard est un peu timide, on dirait qu'il demande la permission de s'intéresser à vous et de vous aimer, et en même temps il pénètre en vous profondément, avec une étonnante perspicacité. Il est à la fois le reflet et l'expression d'un coeur dont on sent la chaleur rayonnante.

Cet ami (c'est le mot qui vient tout de suite aux lèvres) s'avance dans la vie comme précédé d'antennes qui lui font sentir et deviner les besoins cachés des gens. S'il n'était bon en même temps, ce don de seconde vue pourrait le rendre extrêmement dangereux, car il mordrait à coups sûrs. Mais Dieu, et son éducation peut-être, lui ont donné une âme aimante, et alors sa sensibilité lui permet tout simplement d'appporter aux autres exactement ce qu'il leur faut. Le jeu des âmes semble n'avoir pas de secret pour lui; il devine, ou plutôt il sent le moindre changement d'atmosphère, le moindre changement d'humeur et, sans effort, il apporte le correctif nécessaire, il a le geste qui apaise, le mot qui encourage.

Naturellement, cette extraordinaire intuition comporte quelques dangers pour lui-même; elle lui donne d'abord une capacité de souffrir qui dépasse la moyenne, car il est aussi sensible à ses propres impressions qu'à celles des autres. Et puis, cette intuition aurait tendance à le disperser, à ébranler sa propre personnalité en la noyant dans celle d'autrui. Il faut qu'il devienne conscient de ces dangers; c'est à ses amis de l'aider à en prendre conscience afin qu'un don aussi précieux ne se tourne pas contre celui qui en a reçu la grâce. Car nous avons tous tellement besoin de cette compassion innée qui vient au-devant de nous, comme celle du Fils de l'Homme, avec un désintéressement total, une compréhension parfaite ! C'est un parfum de grand prix enfermé dans un vase fragile, comme le sont tous nos vases. Il faut le protéger contre les coups mortels qui pourraient trop tôt le briser. Mais, quoi qu'il advienne, cet être au coeur sensible aura mieux vécu en quelques années que l'insensible au coeur de pierre, ou le susceptible tourmenté par son seul destin, parce qu'il en aura aidé beaucoup à porter leurs fardeaux.

Ces trois portraits ne sont pas des inventions; leurs personnages existent et je les connais. Ils me donnent beaucoup à réfléchir. J'ai désiré vous les faire connaître aussi et partager avec vous quelques unes de mes réflexions. La Vérité souvent se dégage des contrastes et elle nous fait signe à travers des vies humaines. Ce signe est aussi pour vous. Voilà pourquoi j'ai écrit ces lignes.









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