
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
Le respect
Etre respectueux, c'est comprendre que l'âge, le caractère, l'intelligence, les services ou simplement l'autorité d'une situation à laquelle la nôtre est subordonnée, ont droit à des égards; c'est avoir l'âme assez noble pour aimer à s'acquitter de ce devoir, et pour goûter le plaisir délicat qui en est la récompense. Cette disposition du coeur et de l'esprit n'est le privilège d'aucune condition sociale. Ici, la fleur du respect s'épanouit dans le milieu le plus humble; là, elle s'étiole dans un milieu dit « comme il faut ». Il y a des paysans qui ne lisent que l'almanach et quelques livres de piété, mais dont les manières témoignent d'un sentiment juste des convenances et d'un respect de bon aloi. Il y a, d'autre part, des jeunes gens instruits, bien mis, qui savent ployer le dos avec grâce causer agréablement, s'excuser de la moindre gaucherie; mais chez eux la distinction des manières au lieu d'être le reflet de la distinction des sentiments, n'est autre chose qu'un vernis qui, d'ailleurs, ne trompe personne. Demain, tel de ces parfaits gentilshommes affectera de ne pas remarquer son professeur, ou le saluera sommairement avec plus d'impertinence que de politesse. En classe, si le professeur hasarde une observation, il s'attire une réplique insolente dont l'auteur est si satisfait, qu'il ira s'en vanter au dehors.
Le respect peut donc faire défaut là où l'on s'attendait à le rencontrer, et se trouve ailleurs où l'on ne s'y attendait pas. Constatons toutefois que dans tel milieu social supérieur, où le dédain pourrait se comprendre, on rencontre des égards pour les humbles et du respect pour ceux qui le méritent. Par contre, trop souvent, chez les plus incultes, les plus ignorants, les plus jeunes, ceux auxquels le respect devrait être facile, on entend parler avec mépris de toute supériorité quelconque, même de la légitime dignité des cheveux blancs. On peut se demander si, à l'heure qu'il est ce n'est pas aux petits plus encore qu'aux grands, qu'il faut rappeler le devoir du respect.
Le respect est, en somme, le résultat de la culture du sentiment; et, à ce titre, on peut le considérer comme la pierre de touche de l'éducation morale. Ses racines plongent dans la notion de l'autorité et, d'une manière générale, de la supériorité, notion qui s'acquiert surtout au foyer domestique .....
On se plaint que l'absence de respect fasse des progrès rapides. On constate que l'autorité des parents et, par suite celle des maîtres, est de moins en moins reconnue. L'observateur attentif est frappé de la manière dont les « grandes personnes », comme on les appelle, sont souvent traitées par les petits; du ton et des termes qu'emploient des gamins de quinze ans, si j'ose m'exprimer ainsi, échangeant leurs impressions sur le compte d'hommes honorables, ou même éminents, simplement parce que ceux-ci sont plus ou moins avancés en âge.
Dans tel cercle d'étudiants, ou simplement d'écoliers, vous entendrez voler de bouche en bouche des petits noms, des sobriquets, des qualificatifs insultants et grossiers. C'est sans doute des camarades absents qu'ils s'entretiennent? Non pas ! il s'agit de leurs professeurs.
Le persiflage et la médisance, proches parents de l'outrage et de la calomnie, ont passé à l'état chronique. Il existe des miroirs qui déforment tout ce qu'ils réfléchissent, et font du plus beau visage une grimaçante caricature. Ainsi font certains de nos jeunes « fins-de-siècle » qui, selon le mot déjà classique, se disent « revenus de tout » Dans les premiers temps, c'était seulement pour « la blague » mais l'habitude a fini par former leur esprit, leur coeur, leur langage, et, à force de « blaguer » ils ne savent plus faire autre chose. Nos aimables sceptiques ne connaissent rien du respectable; ils ne croient à rien, pas même à la Patrie, et sont devenus incapables de tout sentiment généreux comme de tout effort viril.
Si l'on observe ce qui se passe dans les familles, on s'étonne et l'on s'attriste de voir l'importance exagérée que tendent à prendrdre les enfants. On disait naguère : « Monsieur, Madame et Bébé. » On dira bientôt : « Monsieur Bébé, sa maman et son papa. » N'est-ce pas, en effet, autour de l'auguste personne du minuscule personnage que gravite toute la maisonnée? Devenu écolier, puis jeune homme, n'est-ce pas lui par exemple, je ne dis pas qui propose mais qui impose tel emploi d'un jour de congé? qui tient le haut bout du pavé, et le dé de la conversation dans laquelle il prend plaisir à remplacer le français de France par l'argot de je ne sais d'où? Les enfants, il faut en convenir, sont en passe de devenir les maîtres de la maison et les chefs de la famille. Au surplus, j'ai déjà rencontré quelque part la formule de la génération nouvelle. La voici dans sa franche simplicité : « Les parents sages doivent obéir à leurs enfants!»
(A suivre.)
|
|
|