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Les Jeux des petits garçons. (Correspondance) (1)

Permettez-moi de vous faire part de quelques expériences faites avec mes trois petits garçons, expériences qui seront peut-être utiles à quelques jeunes mères. Je désire, en particulier, répondre à la question posée dans le n° 5 du journal « Aux Mères ». Question complexe car les occupations et les amusements de nos petits garçons dépendent des ressources, du temps et de la place dont nous disposons. Elles diffèrent essentiellement selon que nous habitons la ville ou la campagne.

Le premier conseil que je donne aux parents ayant des garçons, est de se loger, si possible, en dehors de ville ou tout au moins dans un appartement spacieux. Il me paraît très difficile d'élever sainement un garçon dans un appartement restreint. Car, s'il y a des garçons doués d'une nature douce et paisible, la plupart sont vifs et remuants tant qu'ils sont en santé; ils sont même terriblement turbulents si on ne les dirige et ne les surveille avec beaucoup de soin et de sagesse. Ceci étant admis, comment occuper ces garçons ?

Tout d'abord et à tout prix si vous habitez en ville et n'avez pas de jardin, ayez au moins une pièce, une galerie, un grenier, où vos garçons puissent s'ébattre. Je vous conseille beaucoup de mettre à vos enfants, pour ces moments d'ébats, de grands et solides fourreaux; puis de les laisser grimper, sauter, quitte à se faire quelques égratignures. Si vous pouvez, laissez-les taper et faire du bruit. Le plus souvent, les enfants jouent mieux seuls et avec des jeux de leur invention, qu'avec des jouets fragiles achetés dans les magasins. Un petit marteau et quelques clous à planter dans de vieilles planches feront leurs délices et cet exercice sera pour eux une heureuse diversion à la banalité des jeux de construction et de cubes imagés.

Pardonnez-moi, mesdames, si je vous parais émettre des hérésies en la matière; je sais que bien des personnes s'étonnent de certaines libertés que je donne à mes garçons... Il y a évidemment des lois que les enfants doivent respecter. Que l'on soit inflexible en matière de droiture et d'obéissance; mais que l'on sache, à l'occasion, fermer les yeux sur les exploits d'enfants qui, sans malice, et pour s'amuser, dérangent l'alignement des chaises, salissent ou chiffonnent quelque peu leurs habits, etc ... Je n'exclus cependant pas la discipline, car, tout jeune, l'enfant doit apprendre à se maîtriser à certains moments ... Je me rappelle avoir dû, non sans peine, contenir mes garçons qui paraissaient avoir un impérieux besoin de dilater leurs poumons au détriment de ma tête et de toutes les convenances : Enfants, leur disais-je pour les calmer, point de cris dans la maison, ni dans la rue. Attendez d'être dans la campagne; là vous pourrez crier autant que vous voudrez. Ils ne s'en sont pas fait faute, je vous assure, et c'était pitié pour les oiseaux effarés, mais enfants et parents y ont trouvé leur satisfaction.

Revenons-en aux occupations sédentaires qui ont une grande importance, car il faut que les garçons soient occupés. Il faut qu'ils aient un intérêt puissant dans leurs jeux et dans leurs petits travaux. Ce sera pour eux une sauvegarde efficace contre les tentations qui les assiègent si vite lorsqu'ils sont désoeuvrés. Les jeux Froeel offrent une grande resource à la mère de famille; car s'il en est qui réclament son patient concours, il en est d'autres que l'enfant peut utiliser seul dès l'âge de 5 ans, et même au-dessous. Un des plus goûtés par mes enfants sont les piquages de cartes à dessin, blanches on coloriées, qu'ils brodent en laine de couleur après les avoir piquées. Aux cadets je donne seulement de vieilles gravures, qu'ils piquent avec délices sur un coussin avec une grosse épingle. Une autre jolie distraction sont les crayons de couleur avec lesquels vos enfants barbouilleront à plaisir des images défraichies ou même de simples journaux. Essayez aussi les perles à enfiler; mais achetez de préférence les grosses perles cylindriques qui peuvent s'enfiler avec une aiguille à laine. Pendant l'hiver mes enfants faisaient avec cela une provision de petits colliers pour l'Arbre de Noël et c'était pour eux une émulation, charmante d'activité et de goût. Il y a aussi la tapisserie sur gros canevas.

Avec les jeunes enfants il faut beaucoup de variété. Il leur est difficile d'être longtemps occupés au même jeu. Cependant il est bon de ne pas céder toujours à leur désir de changement et de les astreindre à persévérer même dans leurs jeux. Cette heureuse habitude de persévérance leur sera salutaire toute leur vie. Il m'arrive souvent, lorsqu'un enfant s'ennuie ou désire changer de jeu, de m'y prendre d'une manière spéciale, car si je dis à l'enfant : Tiens, voici un jeu, ou bien : Fais ceci, presque toujours l'enfant, naturellement contredisant et volontaire, dira non. Je serai mise ainsi dans un fâcheux embarras car faut-il obliger l'enfant à jouer? D'autre part, faut-il accepter un non ? Dans un cas semblable je prends moi-même le jeu, comme s'il était pour moi, et, par insinuation j'amène l'enfant à le désirer et à le demander. Il y trouve alors plus d'intérêt que si je le lui avais mis dans les mains. Oh! que les impressions de nos enfants sont délicates! Si nous savions toujours les discerner! Que le Seigneur nous aide afin que tout, même les petites occupations de nos enfants concourent à leur bien! C'est le voeu d'une maman heureuse d'avoir autour d'elle trois petits garçons pleins de vie.









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