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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Le fantaisiste

Une classe. Les élèves, une trentaine de garçons de treize à quatorze ans, copient un problème du tableau noir. Ils lèvent la tête, lisent, font marcher leurs plumes dont les grincements nerveux, par instant, rompent le silence.

Le maître:

- Marcel Page, apporte tes cahiers !

- Oui, M'sieu !

Marcel cesse d'écrire, rassemble ses cahiers, va à la chaire. C'est un grand garçon, fluet aux yeux bleus, brillants, à la mine un peu pâle, à la démarche un brin maladroite. Le maître se met à feuilleter...

- Cet exercice n'est pas fini !

- M'sieu ! je n'ai pas pu.

- Tu n'as pas eu le temps ? Tu es un homme bien occupé ! (rires de la classe). Et le titre, ici?... Encore un travail non terminé! Voyons le cahier de calcul... Pas de titre non plus ? C'est une maladie?

- Je fais ce que je peux, M'sieu, je vous assure.

- Ce que tu peux? Voici un mois que l'école a commencé et tes cahiers sont encore sans titre!...

«Géométrie ! ces figures devaient être passées à I'encre ! Monsieur n'a pas eu le temps, sans doute !...»

- Hélas! Monsieur, je suis un homme très occupé.

Le ton est si vrai, dans son imitation, que toute la classe se met à rire. Le maître, décontenancé, considère Marcel qui le regarde effrontément, les lèvres ironiquement pincées.

- Tu deviens impertinent, par-dessus le marché.

- Vous l'avez dit vous-même, Monsieur...

Il ne dit plus: «M'sieu». Ce n'est plus le petit garçon timide, gêné. Il est sur scène. Il joue la comédie.

- Je te donne une semaine pour mettre tes cahiers à jour. En outre, j'ai à te prévenir: si tu continues dans cette voie, tu ne pourras pas rester dans cette classe.

- Mais, M'sieu!...

Le comédien s'est effondré. L'élève craintif reparaît.

- Retourne à ta place. Tu m'as bien compris, n'est-ce pas ?

Marcel s'en va, tête basse et la figure en feu.

- Jean Pileur ! appelle le maître.

Un autre garçon se lève. Silence. La classe écrit. Marcel, les yeux tristes dans le ciel de la fenêtre, la plume à la main, rêve et n'écrit pas. A quoi peut-il bien penser!


La leçon est terminée, la classe vide. Marcel s'approche lentement de la chaire. Sa voix rauque hésite:

- M'sieur ! vous n'avez pas été juste...

Le mot qu'il ne voulait pas dire lui a échappé. Advienne que pourra, il ira jusqu'au bout.

- Ah ! je ne suis pas disposé à écouter encore des impertinences.

- Laissez-moi vous dire jusqu'au bout... je vous en pie. Vous ne savez pas.

- Quoi? Qu'est-ce que je ne sais pas? Allons, explique-toi !

Je m'exprime mal, mais... Les circonstances, M'sieu !

- De quelles circonstances veux-tu parler ?

- Ben voilà: avant la rentrée, j'étais malade à la montagne depuis très longtemps. Je devais rester couché presque toute la journée. J'étudiais bien un peu. Si je voulais. Si j'en avais envie. Mais souvent, je ne faisais rien. Parce que je me sentais mal, fatigué. Pensez, je n'avais pas même le goût de lire des histoires drôles ! J'sais pas si vous vous représentez M'sieur !

- Continue, je t'écoute.

- Alors, maintenant, vous comprenez, dans votre classe où on travaille cinq heures par jour (oh ! ça m'intéresse, vous pouvez être sûr!) je fais figure d'un fantaisiste, comme vous dites. Mes cahiers ne sont pas en ordre. Vous pensez que c'est par paresse. C'est normal, vous ne savez pas. Mais à 4 heures, quand on sort, les autres vont s'amuser. Moi pas, je rentre à la maison. Et pour quoi faire ? Après le goûter, je vais me coucher. Presque toujours. Tellement je suis fatigué. Manque d'habitude ! .. Puis je me relève juste pour mes devoirs. Comme ça, je fais le courant. Et encore!...

- Mon garçon! je ne savais rien de tout ça. Tes parents, ou toi-même, vous auriez dû m'avertir au début. Mon attitude à ton égard eût été différente. Pourquoi ne m'en as-tu rien dit?

- Je voulais essayer de tenir, comme les autres.

- Il ne faut pas trop regarder aux autres, dans ton cas, mais bien plutôt aux progrès que tu fais chaque semaine.

- C'est dur d'être toujours à part !

- Ne te décourage pas. Tu le seras de moins en moins.

- M'sieu ! je veux encore vous dire...

- Oui, parle !

- J'ai été impertinent.

- Laissons cela, veux-tu ?

- Non, non, je le regrette vraiment. Je veux le dire à toute la classe. Et vous leur expliquerez la situation, pourquoi je suis en retard. Vous me donnerez ma chance.

- Te donner ta chance ? ça, en tout cas. Quant au reste, nous verrons. Je veux encore y réfléchir. Maintenant, je sais. C'est l'essentiel. Au lieu de nous rendre mutuellement la tâche difficile, nous allons nous aider l'un l'autre. Nous allons collaborer, comme disent les grands. Et je suis bien sûr que ça ira mieux comme ça. Fais tout ton possible. Et reviens me parler si quelque chose ne va pas. Compris ?

- Oh! merci, M'sieu !

- Maintenant, rentre vite à la maison, il est tard. Au revoir.

- Au revoir, M'sieu !

(Dehors) «Ce que maman va être contente, quand je lui dirai !»









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