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Le père Sylvain

Conte de Noël

Le père Sylvain n'était pas riche; il avait un petit bien dans le grès où poussaient plus de cailloux que de blé. Cependant, à force de le fouiller avec sa pioche, il finissait par en tirer le pain de l'année.

La veille de Noël, il était assis au coin d'un feu de fagots de mûriers, lisant sa Bible comme il le faisait chaque soir. Il avait commencé le chapitre 4 de saint Luc, quand, arrivé à ce verset: «Le diable lui dit: Si tu es le fils de Dieu, dis à ces pierres de se changer en pain», il s'arrêta pour réfléchir un brin, en mettant ses lunettes dans le volume entrebâillé.

Et il se dit: «Au fait, pourquoi notre Seigneur n'a-t-il pas changé les pierres en pain? Il aurait bien soulagé par là le pauvre monde, et cela n'aurait-il pas mieux valu que de changer l'eau en vin comme il le fit à Cana? Le diable ne lui donnait pas là un mauvais conseil».

Et tout en réfléchissant au conseil du diable, comme le père Sylvain n'avait pas l'imagination très développée et que d'ailleurs il était las d'avoir pioché tout le jour, il s'endormit profondément.


Il dormait à peine depuis quelques instants quand il entendit toc, toc, derrière la porte. Il cria: «Entrez !» quoique ce ne fût guère l'heure de faire une visite pour un chrétien... et en effet ce ne fut pas un chrétien, ce fut le diable en personne qui entra.

Il prit le père Sylvain par le collet de sa veste sans lui faire d'ailleurs aucun mal, et le transporta au beau milieu de son champ. Là, lui montrant d'un geste large la terre pierreuse toute blanche à la clarté de la lune, il lui dit: «Ami, tu as trouvé tout à l'heure que le Seigneur Jésus avait eu tort de repousser la proposition fort avantageuse que je lui faisais. Qu'à cela ne tienne! Je te la réitère aujourd'hui. Dis à ces pierres qu'elles deviennent du pain: ce sera chose faite.»

«Hélas ! répondit le vieux paysan tout tremblant, c'est mon âme que tu vas me demander en échange...?»

«Je ne te demande rien, imbécile ! Accepte seulement et tu vas te libérer toi et les hommes tes frères, de la vieille condamnation qui pèse sur ta race proscrite. Ne le vois-tu pas, tous ces enfants d'Adam, usant leur vie à produire le pain qui les fait vivre, et tellement courbés vers la terre qu'ils n'ont même pas le temps de redresser leur front pour regarder le ciel? Allons, prononce un mot seulement: tout à l'heure, il ne sera plus temps !...»

Et comme le père Sylvain était un homme bon et simple, qui voulait le bien de ses frères, mais qui n'avait qu'une petite foi, il écouta le diable et prononça après lui les paroles magiques.

Et il lui sembla voir à l'instant les cailloux plats, ronds et ovales qui couvraient le sol, prendre un aspect doré et crousillant et il sentit se répandre dans l'air l'odeur savoureuse du pain sortant du four.

A ce moment les cloches du village sonnèrent minuit, et comme c'était le jour de Noël qui commencait, le diable se sauva en poussant un long éclat de rire.

Alors le vieux paysan regarda. Il vit le village s'éveiller au son des cloches de Noël et il entendit les gens qui se disaient les uns aux autres: «Savez-vous la nouvelle ? On dit que les pierres sont changées en pain! Allons voir!» Et ils arrivaient par troupes, hommes, femmes, enfants, s'extasiaient en voyant la terre couverte de bon pain, de bon pain chaud, et le remportaient à pleins tabliers, à pleins paniers, à pleines charrettes en criant: Noël ! Noël ! Ils allèrent chercher charrues, aires, pioches, râteaux, tous les instruments de l'antique servitude, et en firent sur la place du village un immense feu de joie. Et ils tuèrent aussi les boeufs de l'étable, ces vieux compagnons de chaîne désormais inutiles, et les firent rôtir au brasier des charrues pour en faire un grand festin. L'un d'eux, pendant qu'on l'entraînait, jeta au père Sylvain un long et triste regard, et le vieux laboureur, en pensant que jamais plus il ne les verrait passer courageux au travail et courbés sur le sillon, en eut grand'pitié.

Et, bien avant dans la nuit, il entendit les chansons, le cliquetis des verres et vit flamboyer les vitres du cabaret, et il fut bien surpris quand il vit le cabaretier, qu'il ne fréquentait guère, venir lui frapper sur l'épaule en disant: «Bravo, père Sylvain, est-ce vous qui avez fait ce coup-là ? Mes compliments ! Maintenant tous les jours de la semaine seront des dimanches; je ne sais si le bon Dieu y gagnera, mais pour sûr que le diable n'y perdra rien..., ni moi non plus. Venez prendre une consommation, ce sera gratis et de bon coeur ?» Alors le père Sylvain fut si découragé qu'il se prit la tête entre les mains pour ne plus rien voir.

Combien de temps resta-t-il ainsi ? Longtemps sans doute, peut-être des années; car lorsqu'il releva la tête, voici que le village était vide et muet, et les maisons avaient l'air de tomber en ruines, et la terre était couverte de ronces et d'un bois naissant. Il appela et son cri fit fuir quelques renards qui le regardaient curieusement, accroupis sur leur séant. Il appela encore et un vieux renard à la moustache grisonnante et qui avait la mine d'un savant se décida à lui répondre.

- Où sont les hommes ? demanda Sylvain.

- Partis depuis longtemps ! Du jour où il n'a plus été besoin de labourer la terre, ils ont quitté le village: nous les avons remplacés.

- Et que font-ils dans les villes ?

- Je ne sais, mais on m'a dit que depuis que les hommes n'avaient plus besoin de travailler pour gagner leur pain, ils s'ennuyaient à périr, et pour se distraire, passaient leur temps à faire de la politique et à se battre.

- Ils ont du moins du pain à discrétion?

- Oui, mais depuis que le pain ne coûte que la peine de le ramasser, on le trouve insipide et les hommes en sont aussi dégoûtés que les Israélites autrefois de la manne: il paraît que c'est le travail qui fait le pain bon.

Alors le vieux paysan se sentit tout triste, et comme à ce moment même le coq se mit à chanter, il pleura aussi amèrement que Pierre lorsqu'il eut renié son Maître...


Et le père Sylvain s'éveilla sur sa chaise au coin du feu, encore tout secoué de son horrible cauchemar. Sa Bible était toujours sur ses genoux, avec ses lunettes entre les pages ... mais quand il voulut reprendre, il vit qu'elles n' étaient plus placées dans l'Evangile de saint Luc, mais tout au commencement du livre, là où il est écrit: «Tu travailleras la terre à la sueur de ton front.» Le vieux paysan hocha la tête, en pensant que le Seigneur Jésus avait bien su ce qu'il faisait, et cette fois il alla se coucher pour tout de bon et dormit paisiblement.









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