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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Aux «Hirondelles»

«Maman, René se moque de moi quand je parle, je ne veux plus jouer avec lui...»

Ce sont les paroles de son petit garçon de 5 ans et demi qu'une maman nous rapporte.

Celle-ci qui, jusqu'alors, ne s'était pas particulièrement souciée des difficultés de parole de son fils, pensant qu'elles disparaîtraient avec les années, a saisi brusquement à travers ces quelques mots le drame qu'elles vont susciter dans la vie de son enfant. Drame de l'incompréhension, de la moquerie, qui transformera peu à peu l'enfant épanoui en un être renfermé, craintif ou même révolté et agressif.

C'est maintenant un impératif urgent et absolu qui s'impose à elle: guérir à tout prix son enfant.

Des connaissances lui ont indiqué le nom de notre home pour la correction des troubles du langage et elle est venue nous demander conseil et aide. Il est effectivement grand temps de soigner le petit homme qu'elle nous amène car l'examen de sa parole nous révèle un bégaiement déjà bien ancré. Il se joindra bientôt à la petite bande d'enfants qui jouent insouciants dans le jardin et que nous lui présentons. Tandis qu'ils lient déjà connaissance, nous racontons à cette maman un peu des difficultés de chacun afin qu'elle sache que d'autres mamans portent les mêmes soucis qu'elle-même et espèrent dans les mêmes guérisons.

- «Voyez, voici notre dernier arrivé. Petit bonhomme de 5 ans et demi comme votre fils.» L'enfant examine d'un oeil pénétrant, pétillant d'esprit, la dame qu'il doit saluer et marmonne un bonjour à peine perceptible. «Il n'ose pas le dire plus fort car il sait qu'il se trouve dans ce mot un de ces pièges qui font rire les autres lorsqu'ils l'entendent, un «J» qu'il ne sait pas encore dire sans tordre sa bouche à gauche en schlintant horriblement... C'est lui qui, appelé à prononcer le mot «serviette» devant une visite, disait avec un sourire de coin le mot «lavette» à la place pour éviter un ridicule qu'il pressent et redoute déjà.»
- «Et cette petite fille, Mademoiselle, qui vient de me saluer si gentiment, qu'a-t-elle donc ?»

- «Elle est atteinte d'un formidable retard de langage. Elle s'est créé un langage à elle que seul un petit camarade de jeux comprend et nous avons une peine extrême, car elle est déjà grande, à rééduquer son oreille à entendre les sons tels que nous les disons et non tels qu'elle les a transformés.»

- «Voici là-bas un garçon qui semble brûler d'envie de venir vers nous. Pourquoi hésite-t-il ?»

- «Il se méfie de lui. Il se demande probablement si au moment de vous saluer, le bonjour qu'il est en train de répéter intérieurement avec passion, ne va pas lui échapper, le désir de venir et la crainte de parler se disputent le pas, d'où son hésitation. Tenez, le voici qui vient, recevez-le avec un sourire affectueux aussi naturellement que possible. N'ayez pas l'air étonnée s'il croche, ne le remarquez pas et répondez-lui sans attendre qu'il se soit repris.»

Encouragé par l'attitude de notre visiteuse, notre garçon a non seulement pu dire bonjour, mais il a répondu correctement à toutes les questions aimablement posées.

- «Comment se fait-il, Mademoiselle, que tous ces enfants qui paraissent tous intelligents aient de si graves défauts de langage ou de parole !»

- «Le développement du langage et de l'intelligence ne vont pas forcément de pair et vous pouvez rencontrer chez un enfant d'intelligence normale un fort retard du langage, un bégaiement ou de gros défauts d'articulation. Beaucoup de facteurs sont en cause, parmi eux l'éducation joue un grand rôle. La plupart des parents qui nous amènent un enfant atteint d'un défaut d'articulation reconnaissent avec regret qu'à la première apparition de celui-ci, ils s'en sont amusés, l'imitant même chaque fois qu'ils s'adressaient à leur enfant. Le mauvais pli une fois pris, les organes phonateurs, que ce soient la langue, les lèvres, le voile du palais, deviennent si habitués à cette mauvaise articulation que plus tard les remontrances des parents ne peuvent suffir. L'enfant n'entend plus la différence qu'il y a entre sa prononciation fausse et la prononciation correcte des mots. Il faut alors recourir à une véritable rééducation de son oreille et des mouvements de ses organes phonateurs par un traitement logopédique.»

«Les mêmes erreurs ont été commises avec la fillette qui parle à 6 ans un langage incompréhensible. Au moment de la formation de son langage, sa famille s'est prêtée avec trop de complaisance aux multiples déformations de son langage, acceptant des diminutifs pour les mots les plus courants de notre langue, les utilisant même et permettant ainsi à la fillette de prendre l'habitude de mal écouter et de se contenter d'un à peu près très problématique chaque fois qu'elle imitait un son nouveau.»

«Quant aux parents d'enfants bègues, nous les reconnaissons très souvent à leur anxiété. Nous sommes persuadés qu'un bégaiement débutant pourrait être enrayé si les parents marquaient moins l'importance qu'ils y attachent. S'ils redoublaient simplement de calme autour de leur enfant, s'appliquant à lui parler plus lentement, ils remarqueraient certainement combien l'enfant est sensible à un changement de ce genre et combien il y réagit favorablement.»

«On ne saurait trop tenir compte de tout ce qui est réclamé de l'enfant qui apprend à parler: il faut qu'il désire communiquer à son entourage ce qu'il ressent; il faut qu'il se plie à une imitation parfaite des sons qu'il entend autour de lui et qu'il les retienne; il faut qu'il comprenne le rôle des mots, leur rapport entre eux. Cet apprentissage du langage qui se poursuit intensément durant les cinq premières années de son existence doit être soutenu par les parents qui veillent à parler à l'enfant un langage suffisamment simple et direct pour qu'il puisse non seulement le comprendre mais l'assimiler facilement et qui exigent de lui cependant l'exactitude dans les sons et dans les termes employés.»

«De nos jours où nous sommes tous toujours pressés, nous remarquons de moins en moins que cette hâte nous nuit et nuit surtout à nos enfants qui ne peuvent sans en pâtir, marcher à notre rythme.»









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