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L'enfant anorexique...

C'est tout simplement l'enfant qu'on n'arrive pas à faire manger. N'a-t-il vraiment pas faim? Ou veut-il faire enrager sa famille ? Parfois, il repousse avec le même dédain les friandises et les plats de résistance; mais parfois, il fait encore bonne mine aux gâteaux et aux bonbons, alors qu'il paraît ne plus avoir la moindre place pour une bouchée de viande ou une cuillère de purée qui soulèvent chez lui d'impressionnants haut-le-coeur. Certains parents n'admettent pas ces variations de l'appétit selon la nourriture proposée. «Un enfant doit manger de tout» ... et finalement leur enfant ne mange plus de rien; mais les principes sont saufs ! D'autres, au contraire, sont prêts à toutes les platitudes pour faire avaler une miette de n'importe quoi. Les personnes les plus vénérables dansent, chantent, imitent le singe, le chien ou la vache, jouent la comédie ou font les clowns afin de profiter de la seconde où l'enfant sera bouche-bée - seconde éminemment favorable pour lui enfourner n'importe quoi.

L'enfant anorexique ne cède habituellement ni aux menaces, ni aux promesses, ni aux coups, ni aux récompenses. Il a une arme invincible contre la force des adultes: il régurgite. Sans doute ne faut-il pas confondre l'anorexie avec différents troubles physiques qui peuvent se traduire par des vomissements ou par une inappétence momentanée. L'anorexie vraie est en général qualifiée de «mentale», même chez le nourrisson: souvent elle commence à se manifester après le sevrage ou lorsque le mode d'alimentation de l'enfant est changé (passage des nourritures liquides aux nourritures épaisses et solides); parfois nous la voyons reparaître après la puberté, surtout chez l'adolescente et même un peu plus tard chez quelques jeunes femmes, après leur mariage, sans doute lorsque celui-ci leur a apporté quelques déceptions soit qu'elles n'étaient pas encore mûres pour la vie conjugale... soit qu'elles redoutent la grossesse, comme si dans leur inconscient, une confusion s'établissait entre «grossir» et «attendre un bébé».

«Ne pas manger» est avant tout un puissant moyen d'agir sur la sensibilité de ceux qui vous aiment; et il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour s'en rendre compte. Il n'est pas nécessaire de savoir lire et écrire, ni même de savoir parler! L'Ecole des parents et des éducateurs, de Paris, a récemment publié un petit tract composé par Anne Jacques: « Bernard ne veut pas manger», où les sentiments des adversaires en présence sont montrés d'une façon humoristique et frappante en quelques images. On voit par exemple la maman qui supplie: «Je t'en prie, mon amour d'enfant», et en regard, le bébé qui pense: «Elle m'aime encore puisqu'elle pleure... Je continue». Le papa, armé d'un martinet, use de l'intimidation et le bébé pense: «Il veut ma mort, je serai le plus fort, je tiens bon». Grand-mère se lamente: «C'est horrible ! Il en mourra». Et le bébé: «J'ai mal au coeur... Je proteste». La grande soeur veut lui faire honte, se moque de lui: «Tu vas rester petit», dit-elle. Et bébé ravi à cette perspective en conclut: «Je serai toujours un bébé, je ne mangerai plus».

Je connais des familles où le repas est ainsi devenu un véritable calvaire pour tous: et l'idée de nourriture n'en est que plus étroitement associée chez l'enfant à des impressions pénibles qui suscitent son opposition. La mère, très nerveuse et très angoissée, veut faire peur à l'enfant, comme si elle cherchait à lui communiquer son angoisse, en lui parlant de la mort qui le guette s'il ne se nourrit pas ou en le menaçant de l'abandonner, de l'enfermer dans la cave où les rats le grignotteront, etc. Bien que l'enfant soumis à ce régime mange de moins en moins et devienne de plus en plus nerveux, les procédés - si inopérants soient-ils - ne varient guère: et les meilleurs conseils glissent sur la mère, peut-être capable de les comprendre mais non de les appliquer.

C'est tout le drame, en effet. On sait bien qu'un enfant mangerait selon les besoins de son organisme, si la nourriture lui était présentée sans émotion et sans passion. Mais la difficulté pour les parents consiste précisément à se délivrer de leur émotion, à dépassionner le problème de la nourriture. La peur de voir le bébé maigrir - qui sait? mourir de faim - est plus forte que toutes les résolutions de sangfroid. Il faudrait obtenir un résultat immédiat pour avoir le courage de persévérer dans une attitude d'indifférence simulée, sinon tout à fait sincère. Malheureusement, les résultats sont rarement immédiats. La mère inquiète a du mal à cacher sa joie quand l'enfant absorbe quelques cuillerées, même si elle parvient à cacher son tourment quand l'assiette ne se vide pas. Mais cela suffit pour que l'enfant perçoive qu'il reste le maître de la situation.

Le docteur Alice Doumic qui a récemment étudié ces questions avec le professeur Debré, a eu le mérite de tenir compte non seulement de la sensibilité de l'enfant, mais encore de la sensibilité des parents. Aussi ne demande-t-elle pas l'impossible: si les parents ont trop de peine à laisser l'enfant se nourrir ou ne pas se nourrir tout à fait selon sa fantaisie, elle leur conseille d'appliquer cette politique de liberté à un seul des principaux repas, quitte à continuer à gaver l'enfant au dîner, par exemple.

En général, l'anorexique mangera mieux avec des étrangers qu'avec des membres de sa famille. S'il est assez grand, qu'on le laisse prendre ses repas à la cantine de son école: il sera entraîné par les autres, et le respect humain l'empêchera d'adopter une attitude qui ne ferait d'ailleurs effet sur personne. Et, à la maison, qu'on ne cherche plus à imposer une discipline alimentaire trop stricte quant aux horaires, ni quant au choix des mets.









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