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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURSécurité et présence maternelle. Le regretté Dr. Lucien Bovet, le grand psychiatre d'enfants, dont la mort accidentelle tragique en juillet 1951 mit fin à une carrière des plus fécondes, soulignait, lors d'une réunion de pédiatres (1), l'intense besoin de sécurité que tout être humain ressent - fût-il encore au berceau - dans toutes les manifestations de sa vie. Voici comment il exprimait ce que la mère peut apporter à son enfant dans ce domaine: Nous savons que, pour que le tout petit enfant se développe jusqu'à un être qui comporte un «moi», c'est-à-dire un noyau limité, organisé, cohérent et lucide de la personnalité qui deviendra le siège des perceptions et des réactions conscientes et raisonnées, l'organe de communication et d'adaptation sociale, - pour que ce moi se développe, il faut que peu à peu les appareils sensori-moteurs se mettent au point, que la mémoire se développe, que l'enfant contrôle sa motricité, qu'il acquière d'abord la compréhension puis l'usage du langage... Pendant tout ce développement, pendant ce stade de l'acquisition des fonctions du «moi», l'enfant a un besoin biologique d'un véritable alter ego, d'un «moi» suppléant. Et cet alter ego, c'est sa mère qui en tient lieu. C'est elle qui supplée au «moi» déficient, c'est elle qui participe au «moi» de l'enfant en lui permettant d'accomplir les fonctions que ce «moi» trop faible ne peut encore accomplir. C'est la mère qui est la mémoire de l'enfant, c'est la mère qui est la perception de l'enfant, c'est la mère qui est l'appareil locomoteur de l'enfant. Elle devient une véritable extension de son «moi», qui l'aide à développer ce «moi» tout en suppléant à ses faiblesses. Or, cette importance de la mère - ou de son substitut auprès de l'enfant - est si capitale que la menace d'abandon, que le risque d'être abandonné par cet alter ego est absolument intolérable à l'enfant. Il n'a pas besoin de comprendre beaucoup de choses pour sentir cette menace... Il vous est arrivé de prendre à l'égard d'un petit enfant, même de quelques mois, un ton menaçant, une grosse voix comme on dit, et vous avez remarqué peut-être comme l'enfant réagit à cette intervention. On pense faussement parfois qu'il s'agit déjà d'un sentiment de culpabilité, que l'enfant sait très bien ce qui est mal et ce qui est bien. «Vous voyez bien, dit-on, quand on le gronde, il a l'air coupable.» Or il ne s'agit pas là de culpabilité, il s'agit de la peur qu'éprouve l'enfant de la perte du contact, de la perte de l'appui sur lequel il a compté jusqu'ici. L'enfant à l'égard duquel on adopte une attitude menaçante est pris d'une peur biologique de la rupture de contact, de l'abandon. Or, cette peur de l'abandon peut naître de toutes sortes de circonstances, en particulier de changements trop fréquents et précisément de l'insécurité qui peut entourer l'enfant. Croyez-vous donc qu'une mère soit interchangeable? Pensez-vous qu'il n'y a pas de différence entre la manière dont une femme prend un enfant dans ses bras et la façon dont une autre femme le prend dans ses bras? N'y a-t-il pas, dans la façon dont une mère donne la bouteille ou le sein à un enfant, dont elle plonge la tétine dans sa bouche, dans la façon dont elle le prend, le soulève, le retourne, le lange, - n'y a-t-il pas mille différences?... Des changements très fréquents dans ce domaine créent un sentiment d'insécurité dont nous pensons qu'il est délétère et qui pourrait bien avoir des conséquences lointaines et profondes. (1) Ces «entretiens» ont été publiés dans la revue L'enfant (nov.-déc. 1952) sous le titre: L'intérêt de la psychologie en pédiatrie sociale. |
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