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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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Un groupe d'enfants «pas comme les autres»

J'ai eu le privilège d'entrer en contact avec une jeune femme qui consacre sa vie au développement des enfants arriérés. Elle a une âme d'artiste. Je l'ai vue au milieu de «ses enfants» et j'ai mieux compris la beauté de sa tâche.

Elle vit dans une belle propriété. La maison est spacieuse, entourée d'un grand parc. L'horizon est vaste, on aperçoit au loin le lac et les montagnes. Tout est calme et beauté. Vingt-deux jeunes vivent dans ce cadre, la plus petite a deux ans et l'aînée en a vingt-cinq.

Je leur ai rendu visite un beau dimanche d'été. Les plus petits sont installés sur des couvertures à l'ombre des grands chênes. Assis dans une poussette, un jeune Grec de 13 ans m'accueille avec un beau sourire. Ses yeux noirs sont lumineux. Tout son visage rayonne et l'on oublie ses gestes saccadés et la salive qui s'écoule de sa bouche entr'ouverte. Il a eu une encéphalite et son état s'aggrave sans cesse. Deux jeunes Français de 16 ans vont et viennent. L'un chante pour moi «gentil coquelicot du bois» comme un petit de 3 ans. L'autre est un Mongol, sa grosse langue sort un peu de sa bouche entr'ouverte, il a des gestes rudes mais il n'est pas méchant. Un jeune de 15 ans est atteint de gâtisme. Il passe son temps à se déchausser et à jouer avec ses chaussettes. Tout à coup, il se lève et marche comme un automate. Plus loin, cette fillette de 11 ans se traîne sur sa couverture et pousse des cris de bébé. Une petite Italienne de 6 ans semble poursuivre un rêve intérieur, indifférente à tout ce qui l'entoure.

Devant la maison, sur la terrasse, d'autres enfants jouent. Une fillette de 14 ans fait une invitation. Quel travail pour elle de compter les tasses et les cuillères de la dînette. Enfin, tout est prêt et chacun se régale.

Il est touchant de voir l'entr'aide. Les plus valides aident ceux qui ont de la peine à marcher. Une aînée remet le soulier à un petit.

Une grande fille de 23 ans prépare notre thé. Elle apprend ainsi à mettre la table, beurrer des tartines, faire bouillir de l'eau.

On développe certains automatismes et quelques habitudes très simples. Il ne faut pas viser à inculquer des «bonnes manières» et un certain vernis d'éducation. Il s'agit de faire du travail en profondeur. Développer au maximum les minuscules pousses enfouies au fond de l'être. Il faut sentir les possibilités de chacun. C'est un travail d'artiste qui exige beaucoup d'intuition et d'intelligence. Le comportement de chaque enfant est noté avec soin et tout est tenté pour rendre ces êtres plus sociables.

On arrive à inculquer des rudiments d'instruction à certains d'entre eux. Chaque matin, ils passent deux heures en classe. Tout est mis en oeuvre pour rendre l'enseignement attrayant et fructueux.

L'après-midi, les grands garçons font du jardinage sous la direction d'un pédagogue. Les jeunes filles apprennent certains travaux ménagers. Chacun doit être à même de s'habiller, faire sa toilette, et cela demande tellement plus de temps et de patience que pour l'enfant normal.

Tous ces jeunes sont sensibles à la musique. Il est touchant de les voir réunis au salon, écoutant un beau disque.

Le moment le plus saisissant est celui du culte. La chambre de l'éducatrice donne l'impression d'une chapelle avec son harmonium et la grande croix au pied de laquelle la Bible est toujours ouverte. Les enfants chantent un cantique, leurs voix sont bien dissonantes. On leur raconte une histoire qu'ils écoutent avec toute l'attention dont ils sont capables. Après un autre chant, c'est le moment de la prière. Comme il est émouvant d'entendre ces balbutiements, ces bégaiements, et pourtant cette pauvre prière est sincère et elle monte vers Dieu.

La venue au monde de chacun de ces petits a été la cause d'une grande souffrance. La plupart d'entre eux ont des frères et des soeurs tous parfaitement normaux. Nombre de parents sont des êtres particulièrement fins et sensibles. Ils souffrent d'autant plus d'avoir un enfant «pas comme les autres». Ils ont souvent tout essayé pour l'éduquer eux-mêmes puis, à bout de forces, ils ont décidé de le confier à des éducateurs spécialisés. Ils espèrent souvent un miracle et sont souvent déçus quand il n'a pas lieu.

Il importe que ces enfants vivent dans une atmosphère calme et heureuse. Il faut que la vie s'écoule à leur rythme. Le contact avec la nature leur est bienfaisant. La musique, la beauté, la foi, tout ce qui les élève peut faire grandir les petites pousses qui sont en eux.

Ces êtres sont confiants. Ils sont souvent joyeux et accueillants. Certains sont particulièrement attachants. On oublie leurs visages souvent sans beauté, leurs corps lourds et disgraciés. Comme tous les êtres, ils ont besoin d'être aimés et, quand ils se développent, ils sont capables d'aimer à leur tour.

En rentrant chez moi, j'éprouve un immense sentiment de reconnaissance en retrouvant des enfants «comme les autres» et une compréhension tellement plus grande à l'égard des parents qui portent une lourde croix.









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