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Comment éviter les mensonges*
Il est étonnant que les enfants ne mentent pas plus, étant donné les exemples qui les entourent. Pouvons-nous dire que nous élevons nos enfants dans une atmosphère de vérité? Dans notre vie sociale, combien de nos cérémonies ou de nos coutumes manquent de sincérité ?
Que faut-il dire des mensonges mondains? La visite dont on n'a pas envie, qu'on reçoit avec le sourire, et après, les enfants entendent: «Quelle chance qu'elle soit partie, pourvu qu'elle ne revienne pas!»... Et les mensonges que l'on fait dire aux enfants ne sont pas mieux. Par exemple, le téléphone sonne, l'enfant répond et on lui dit: «Tu diras que je n'y suis pas ou que je suis malade». Il arrive même parfois que les parents acceptent de faire de fausses excuses pour l'école ! Et les mensonges que l'on dit soi-même aux enfants, surtout lorsqu'ils posent des questions embarrassantes. Et les histoires du Père Noël ! Cela semble innocent, mais lorsque les enfants s'aperçoivent qu'on leur a menti, ils perdent confiance. Un petit garçon de cinq ou six ans croyait au Père Noël et, un certain Noël, il y avait tous les iouets devant la cheminée ainsi que les cadeaux que le Père Noël devait, soi-disant, apporter aux parents. Pendant qu'il s'extasiait devant un train qu'il avait demandé, il a entendu la mère remercier le père du cadeau qu'elle avait reçu. Il a compris que ce n'était pas le Père Noël et il a perdu confiance en ses parents. C'est peut-être un cas extrême, mais il dépend quelquefois de peu de chose pour qu'un enfant perde confiance.
Il y a aussi les parents qui rendent leur enfant complice et qui disent: «Tu ne diras pas cela à papa ou à maman». Quelquefois des mères qui sont un peu serrées pour l'argent, achèteront un petit jouet pour l'enfant ou un vêtement et diront: «Tu ne diras pas à papa que je t'ai acheté cela»...
Il y a aussi une question d'autorité, de prestige. Les parents ne veulent pas reconnaître qu'ils se sont trompés et persistent dans une erreur, alors que l'enfant sait parfaitement qu'ils ont tort. Ou encore, promettre et ne pas tenir, que ce soit un plaisir ou une punition. Promettre une sortie et ne pas la faire; ou dire aux enfants, ce qui arrive souvent: «Si tu fais telle ou telle sottise, tu seras privé de sortie ou de dessert». Et au dernier moment, ne pas appliquer la punition. L'enfant ne prend plus ses parents au sérieux.
Ou bien, ce qui est grave pour les petits enfants, si on doit sortir le soir et qu'on sait que l'enfant n'aime pas beaucoup cela, dire à l'enfant qu'on ne sort pas. Même quand il dort, il a un vague sentiment que les parents ne sont pas là, et il peut même se réveiller.
C'est surtout par l'exemple qu'on arrivera à corriger un enfant qui ment en l'encourageant, en lui faisant prendre confiance en lui-même et en le valorisant vis-à-vis des autres. Si on soupçonne un enfant d'avoir menti, il ne faut pas l'accuser tout de suite d'être un menteur, il faut vérifier avec lui ce qu'il a dit et lui montrer qu'il a fait fausse route. On peut lui montrer qu'on n'est pas dupe, qu'on ne pourra plus se fier à lui et lui faire comprendre qu'il doit prendre la responsabilité de ses actes. On peut lui expliquer qu'il n'a aucun avantage à mentir, mais il faut avoir une certaine indulgence pour les fautes commises et avouées et ne jamais exiger d'aveux publics, soit devant une classe, soit devant les autres membres de la famille; c'est une humiliation inutile. Ce n'est pas toujours facile de savoir si un enfant ment. Mais il vaut mieux quelquefois laisser passer un mensonge que de risquer d'accuser un enfant à tort, parce que s'il persiste à mentir, on finira par le remarquer, tandis qu'une seule accusation fausse ébranlera sa confiance.
Un enfant peut mentir occasionnellement pour éviter une punition, mais ce qui est grave, c'est quand cela devient une habitude et qu'un mensonge en entraîne un autre, pour se sortir d'une situation difficile. La plupart des mensonges sont dûs à des préjugés familiaux ou des erreurs d'éducation, ou à un manque de compréhension, souvent à trop de sévérité. Si on modifie la cause, le mensonge se corrige; si, au contraire, l'enfant persiste à mentir alors qu'il n'y a pas de raison apparente, ou si ses mensonges prennent une forme inquiétante, s'il accuse les autres faussement, avec malveillance, ou s'il s'accuse lui-même sans raison, ou si la fabulation persiste au-delà de l'âge de huit à dix ans, dans ces cas-là, il vaudra mieux demander l'avis d'un spécialiste.
Souvenons-nous que l'enfant ne peut souvent pas prévoir la conséquence de ses actes. Ses motifs sont plus naturels que ceux des adultes. Par exemple, un garçon peut être amené par un ami à jouer au sport-toto. Il ne se rend pas compte que cela peut entraîner très loin. Mais, si la première fois qu'il en parle à la maison, on lui dit: «Si tu continues, tu finiras, en prison», c'est grossir la chose à un degré qu'il n'avait pas prévu, lui faire sentir qu'il est coupable et l'encourager à dissimuler.
Si on donne à l'enfant confiance en lui, l'occasion de prouver ce qu'il sait faire, on évitera les complexes d'infériorité et les vantardises. Il faut respecter sa personnalité et lui permettre d'exprimer ses goûts et ses idées. Les enfants qui mentent le plus sont ceux dont on se méfie. Un enfant qui sait que ses parents croient tout ce qu'il dit, sera moins tenté d'abuser de leur confiance; tandis que s'il sent que d'emblée on se méfie de lui, qu'on contrôle tous ses dires, qu'on l'accuse de mentir, qu'on le surveille, il pourrait se faire un point d'honneur de tromper ses parents par les mensonges les plus habiles et les mieux imaginés. Tandis qu'une collaboration avec les parents, une discussion franche sur des erreurs ou des fautes, la certitude que les parents reconnaîtront s'ils se sont trompés, voilà le meilleur moyen d'éviter les mensonges chez les enfants et de les aider à se débarrasser de cette habitude.
* Suite de l'article paru dans les Entretiens sur l'Education, n° 10, octobre 1954 extrait de la causerie de Mme G. Voluter sur l'Enfant menteur, faite à l'Ecole des Parents de Genève.
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