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Le trésor qu'il fallut partager

Conte de Noël

La vieille Myriam avait mauvais caractère. Cette sorte d'affliction se rencontre un peu partout dans le monde et à toutes les époques. Myriam vivait au temps où les bergers gardaient leurs troupeaux sur les collines parfumées du bourg de Bethléem; et c'étaient des temps où s'accomplissaient de grandes choses.

La vieille Myriam avait mauvais caractère. Les femmes qui allaient à la fontaine et qui la voyaient venir de loin, portant la jarre en équilibre sur la tête, disaient: «Voilà Myriam, son pot à eau et son méchant caractère !»

Les bergers qui la guettaient au soir tombant, gravissant les sentiers rocailleux des monts pelés de Bethléem disaient: «Voilà la vieille Myriam qui monte avec notre repas du soir et son mauvais caractère !»

Les enfants tumultueux et riants se taisaient soudain quand ils l'apercevaient qui débouchait sur le chemin qui monte à la synagogue, et ils disaient, se touchant du coude: «As-tu vu la vieille Myriam avec son grand nez et son mauvais caractère ?»

Séphora, sa belle-fille qui écrasait le froment dans le vieux mortier de pierre, redoublait d'ardeur au travail quand entrait la vieille femme, et se disait: «Voilà la vieille et ses yeux qui fouillent et furètent, et son mauvais caractère!»

Telle était Myriam...

Or, cette nuit-là, les bergers là-haut lui dirent: «Myriam, nous redescendrons au village avec toi. - Eh quoi, avait-elle dit, hargneuse, et les troupeaux se garderont tout seuls, sans doute ? - Le Seigneur y pourvoira, avaient-ils répondu, car c'est lui qui nous a avertis de la grande chose. Il nous faut descendre au village. - Et quoi donc, quelle grande chose, avait-elle crié. - Comment, tu n'as pas entendu? - Quoi donc, avait-elle repris, avec sa brusquerie habituelle, quoi donc ?».

Non, elle n'avait rien entendu car, pour entendre le langage du ciel, il faut un coeur qui s'ouvre au dehors et un grand bon vouloir d'âme qui dispose à ouïr les paroles du Seigneur. Or, Myriam était enfermée dans ses vieilles idées têtues. Myriam n'avait rien entendu.

Les bergers reprirent donc: «Les anges du Seigneur nous sont apparus, chantant gloire à Dieu au plus haut des cieux ! Paix sur la terre et bienveillance envers les hommes ! Le Christ est né, dans Bethléem aujourd'hui; vous trouverez le petit enfant emmailloté et couché dans une crèche ! Viens avec nous, Myriam !» Mais elle avait fait un grand mouvement de la tête pour dire non, et son visage entouré de longues mèches grises s'était encore renfrogné. Elle avait ajouté: «Non, pas pour tous les trésors du monde !»

- Ah, pour lors, avait dit son fils brusquement, oui, mère, c'est un trésor que celui-là, si les anges ont dit vrai. Il faut que tu viennes, et que tu en aies ta part. Elle avait ri. «Un trésor, ma part ! Puis, elle s'était reprise. Eh bien oui, j'irai, et ma part du trésor, avait-elle ajouté, je la partage avec vous tous». Et elle avait ri d'un grand rire strident que les hommes n'aimaient pas, et qui leur faisait dire: «La vieille Myriam, quel mauvais caractère !»

Myriam, était descendue avec eux, et avec eux avait contemplé l'enfant, et Marie. Et son vieux coeur avait été tout ébloui, car l'enfant ayant jeté les yeux sur elle avait souri. Il avait souri à la vieille Myriam! et Madame Marie sa mère avait fait de même. Elle avait souri à la vieille Myriam, la Madone si belle ! Myriam avait enfermé l'un et l'autre sourire en son coeur, comme on enfouit un trésor précieux dans une cachette, et s'en était allée dans la nuit.

Tout chantait en elle, et Myriam écoutait avec ravissement le chant de son coeur, alors que les bergers remontaient vers leurs troupeaux, sous les étoiles, et qu'elle-même s'engageait sur le chemin qui la conduisait au logis solitaire.

Le lendemain, les femmes jasaient à la fontaine, comme de coutume. Il s'était passé quelque chose de mystérieux, pendant la nuit, mais on ne savait pas quoi exactement. Seulement les bergers étaient redescendus des monts et avaient fait un beau tapage. Tout à coup, l'une des femmes s'écria: «Ah! voilà la vieille Myriam ! - la vieille Myriam, reprit une autre, son pot à eau et son mauvais... »

Mais elle n'acheva pas. La vieille femme, la cruche sur la tête, s'approchait; et chacune pouvait voir sur son visage qui en était tout rajeuni et comme ensoleillé, un sourire.

Ce soir-là, les bergers aux aguets la virent monter par les sentiers sur lesquels les ombres violettes commençaient à s'allonger. Ils devisaient entre eux des événements de la dernière nuit, et il y avait de quoi. Et l'un dit: «Voilà la vieille Myriam qui s'en vient avec notre repas du soir... Un autre ajouta: et avec son mauvais... »

Mais il n'acheva pas. Myriam venait à eux, non point courbée et comme cassée, ainsi qu'elle faisait chaque jour, mais plus droite et comme pleine d'un défi. Et sur son visage ils le virent tous distinctement, brillait parmi les rides et les plis du visage usé, un sourire.

Quand les enfants qui jouaient à la marelle, à l'heure où le soleil est haut et qu'on cherche l'ombre des sycomores, sur le chemin qui va à la synagogue, la virent surgir soudain de derrière le grand mur de l'auberge, leur jeu brusquement s'arrêta, les rires se figèrent, les bouches se turent. Et l'un dit en poussant du coude son voisin: «Voilà la vieille Myriam avec son mauvais... »

Mais il n'en dit pas plus. Comment eût-il pu en dire davantage, alors qu'il voyait, et tous avec lui, la vieille Myriam venir vers eux, le pas léger comme celui d'une jeune fille, ou presque, et s'étaler sur le visage d'ordinaire si renfrogné et si rebutant, comme pour leur faire une grande surprise, un sourire ?

Séphora, la femme de son fils, moulait le froment sous la meule pour préparer le pain du jour. Elle repassait en son esprit tout ce que son mari lui avait raconté de la nuit précédente. Quand résonna le pas de sa belle-mère derrière elle, elle se mit a travailler avec plus d'ardeur, pour laisser croire qu'elle n'avait pas entendu. «Bon, se dit-elle, voilà Myriam, ma belle-mère, avec ses yeux qui se fourrent partout et son mauvais... ». Mais elle ne dit pas le mot qui lui démangeait aux lèvres, car la vieille Myriam s'était approchée de la fenêtre, et sa belle-fille aperçut, dans la lumière d'or venue du soleil complice, une plus glorieuse lumière s'étaler sur le vieux visage tanné aux vents, brûlé au soleil, assombri aux méchantes humeurs: un sourire.

Myriam tenait parole. En l'étable, elle avait découvert un trésor et l'avait emporté, caché en son coeur: le sourire divin de l'enfant et de sa mère. Or, n'avait-elle pas dit, comme dans un serment: «Ma part du trésor, je la partage». Elle partageait. Et comme pour l'huile de la veuve, plus elle donnait dans un sourire qui ne pouvait plus s'effacer, de la joie toute neuve qui lui emplissait le coeur, plus demeurait abondant en elle le trésor surnaturel à n'en pas avoir de fond.









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