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(2000)
Sarah
A son retour décole Marlène (14 ans) a une petite
voix.
- Que se passe-t-il?
- Cest Sarah, elle a eu un accident de scooter, elle est dans
le coma.
Le lendemain, Marlène a les yeux rouges:
- Sarah est morte cette nuit. Cest horrible, en plus ils ont
donné ses organes, il ne reste plus que ses yeux...
Heureusement je suis à la maison et nous pouvons parler de
ce terrible drame. Je peux expliquer le don dorganes: lorsque
quelquun meurt dun accident cérébral il
est parfois possible de transplanter ses organes et de sauver ainsi
des personnes gravement malades du coeur, des poumons, du foie ou
des reins... qui sans cette transplantation ne pourraient plus vivre.
Les parents de Sarah ont été très généreux,
car dans leur grand malheur ils ont pensé aux autres.
La question de Marlène est brusque:
- Alors, ils ont complètement charcuté Sarah?
- Non, les chirurgiens qui prélèvent les organes le
font avec beaucoup de respect pour le mort et sa famille. Ils opèrent
avec soin et délicatesse pour avoir un organe en parfait
état à transplanter. Lopération terminée
ils recousent, comme après une appendicite. Le corps du défunt
est rendu à la famille avec quelques cicatrices, sinon on
ne voit rien.
- Pourquoi est-ce que cest arrivé à Sarah, elle
qui était toujours obéissante? Cest la seule
fois quelle a fait une bêtise. Elle est montée
sur un scooter sans casque. Dautres font toujours ce quil
ne faut pas et il ne leur arrive rien. Ce nest pas juste!
Que dire... si ce nest de rappeler lutilité du
casque.
Quelques heures plus tard Marlène rentre du catéchisme.
Elle est effondrée. Ils ont à nouveau discuté
de Sarah et cette réalité est trop difficile à
assumer. Des copains ont accompagné Marlène à
la maison. Ils ne voulaient pas la laisser rentrer seule dans cet
état. Longtemps ils parlent et essaient de se consoler.
Le lendemain matin les copains sont devant la porte. Ils ne veulent
pas que Marlène fasse le chemin de lécole seule.
Il y a de grandes discussions au collège, souvent accompagnées
de pleurs, de révolte, dincompréhension, mais
aussi de beaucoup de solidarité. Certains écrivent
des poèmes, dautres taguent, avec autorisation, un
mur de lécole en souvenir de Sarah. Il y en a qui sont
allés la voir à la morgue, ils lont trouvée
paisible et ont pu constater que rien ne se voyait des prélèvements
dorganes.
Ils étaient nombreux à lenterrement. Les filles
peu maquillées, sans nombril à lair ni minijupes
trop courtes, les garçons portaient une chemise et même
une cravate par respect pour les parents. Le choeur de lécole
a chanté. Ils étaient nombreux, afin de soutenir les
voix qui vibraient démotion.
Le souvenir de Sarah reste vivant, ils en parlent souvent entre
eux, sans trouver de réponse au « pourquoi? ».
Ces jeunes de 14 ans mont impressionnée par leur maturité,
leur solidarité, leur respect, si différents des clichés
véhiculés à leur encontre. Quand on me dit:
« Quatorze ans, tu verras, cest un âge tellement
difficile, cest lâge bête! »,
je me demande si tous ceux qui se considèrent dans lâge
« intelligent », vu quil nest
plus bête, auraient réagi avec autant de respect.
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