ARCHIVES (2000)

« Maman »

Vous souvenez-vous du premier sourire de votre enfant, de ses premiers pas, de ses premiers mots? Lorsqu’un jour il a balbutié à votre intention « maman », vous avez sans doute fondu, émue et fière à la fois! Vous avez voulu ré-entendre ce mot si doux à vos oreilles et avez inventé avec lui un jeu pour qu’il le répète encore et encore.

Vous attendiez ce moment avec impatience. Il savait déjà dire « papa » depuis longtemps et voilà qu’enfin il prononce le mot « maman ». Que vous vous appeliez Marianne, Christine, Lili ou Solange, désormais vous serez « maman » et ceci pour le reste de votre vie.

C’est ainsi que je l’ai vécu et que je le vis encore avec mes enfants devenus adultes. Mais comme j’ai pu le constater, cette pratique est loin d’être universelle et cela me laisse perplexe. En effet, lors d’une réunion de famille, je bavardais avec les enfants (20 ans) de mes cousins au sujet de leurs projets de vacances. « Nous partons demain pour la Grèce avec Nicole et Bernard » me racontent-ils. « Ah, ce sont des copains » leur lançais-je sans réfléchir. Avant d’avoir terminé ma question, je m’étais bien sûr aperçue que ces deux prénoms avaient un petit air connu et qu’il s’agissait de ceux de mon cousin et de sa femme. « Alors, vous passez vos vacances avec papa et maman » insistais-je un peu provocatrice. « Mais oui, et tu sais bien que cela fait longtemps qu’on appelle nos parents par leurs prénoms » me rétorquent les deux jeunes gens en rigolant. Autres familles, autres moeurs, me dis-je alors.

Plus tard, suite à cette petite conversation, je me suis demandée si, à part semer la confusion chez les interlocuteurs non-initiés, cette manière de désigner ses parents ne reflétait pas aussi un changement dans les rapports entre les générations. On passait en quelque sorte d’une relation verticale à une relation horizontale. Ce qui peut sembler plus adéquat entre parents et enfants adultes. Pourtant, dans mon esprit et dans la réalité, je crois que nous restons toujours les enfants de nos parents et serons toujours les parents de nos enfants.

Certes respect, autorité, tendresse, amour filial vont bien au-delà des mots, quoique « papa », « maman » ne sont-ils pas l’expression symbolique de toute une série de sentiments et de comportements qui lient deux générations? Dire le prénom à sa belle-mère ou à son beau-père dans une famille recomposée est tout à fait normal, mais lorsqu’il s’agit de sa propre mère et de son propre père, je reste sceptique. Aujourd’hui plus que jamais n’avons-nous pas besoin de retrouver des repères, des points d’ancrage nets et clairs, qui ne prêtent pas à confusion?

Dans quelque temps, lorsque mes cousins deviendront grands-parents, ils seront peut-être heureux que leurs petits-enfants les appellent « grand-papa » et « grand-maman ».

Françoise

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