ARCHIVES (1994)

Röstigraben, connais pas ?

Attablés dans un bistrot de la Suisse centrale, mon mari et moi, nous étudions la carte pour commander. La serveuse nous salue d’un “Grüezi mitenand” et poursuit en Hochdeutsch ayant entendu que nous parlions français. Elle est un peu énervée et se lance dans de longs discours sur les hordes de touristes qui défilent dans son village.
Finalement elle s’arrête pour nous écouter. De mon meilleur bâlois, c’est-à-dire teinté d’un accent romand, je commande deux plats du jour, deux bières, etc... C’est alors qu’elle esquisse son premier sourire, se penche vers nous et me glisse à l’oreille, comme soulagée: “Mais alors vous êtes une vraie Suissesse!”. En effet, ma chère, je parle deux des quatre langues nationales, et en plus l’une d’elle est le Schwytzerdütsch!!
Cette anecdote se passait il y a presque quinze ans, mais les choses ont-elles beaucoup changé depuis?
De langue maternelle française, je suis vraiment reconnaissante à mes parents qu’ils aient choisi de me faire suivre les écoles locales lorsque nous habitions Bâle, même si plus tard le déménagement pour Genève à l’âge de douze ans fut assez compliqué. C’est vrai, je me sens suisse un peu partout dans notre pays et je me surprends à regarder des émissions de télévision telles que débats ou interviews sur la chaîne suisse alémanique. Avec certaines voisines je papote en suisse allemand et les jeunes filles au pair des environs m’ont déjà repérée pour me confier leurs petites histoires dans leur dialecte!
On prétend souvent que le suisse allemand ne sert à rien, car ce n’est pas une langue. Pourtant connaître une langue de plus, même un dialecte, rend l’apprentissage d’une troisième langue tellement plus facile, et le Hochdeutsch devient malgré tout plus accessible. Comment aurai-je pu savoir comme fillette, qu’un jour le Schwytzerdütsch m’aiderait à m’intégrer au pays de mon mari en Scandinavie?
Saisir toutes les occasions pour apprendre les langues, même si elles ne sont parlées que par des minorités ou justement pour cela, c’est aller à la rencontre des autres, c’est s’intéresser à l’autre, le respecter dans sa culture, son identité, c’est tout simplement avoir envie de le comprendre et peut-être même faire ensemble un bout de chemin vers la paix.

Françoise Grøndahl

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