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(1997)
Sacré
repas de midi ou repas sacré!
Il
y a quelques années, je me suis fait les mêmes réflexions
que Julie (cf. No 9/1997) à propos de mon absence au repas
de midi et me suis culpabilisée longtemps de cet abandon!
Mon mari ne rentrait jamais pour déjeuner et par conséquent
je ne pouvais pas me demander sil aurait pu prendre la relève.
Ce furent mes enfants déjà plus âgés
et capables de se réchauffer un plat qui mirent la main à
la pâte. Quant aux trajets scolaires, ils étaient assurés
à tour de rôle par des voisines et par moi-même.
Nous
sommes des milliers de femmes en Suisse à connaître
ce dilemme, à jongler avec des horaires aussi variés
que farfelus et à devoir trouver des solutions pendant la
période de lécole enfantine et primaire. Il
y a les restaurants scolaires qui pallient à un aspect du
problème, celui de la nourriture proprement dite, mais pour
le reste de la pause interminable (près de deux heures),
quoffre-t-on aux enfants, eh bien le plus souvent... du bruit,
du bruit, du bruit. En effet, il faut meubler tant bien que mal
cette heure et demie par des jeux et de la détente. Dans
certaines communes, où sont rassemblés 60 ou 80 élèves
de 4 à 12 ans cela devient un exercice plutôt difficile,
même sils sont répartis en deux groupes, les
petits dun côté, les grands de lautre!
Lorsque
je raconte cela à mes amis norvégiens, ils écarquillent
leurs yeux tout bleus, et certains nhésitent pas à
me dire tout de go: «mais cest un truc pour garder la
femme suisse au foyer!». Cest en effet ce que je crois
aussi depuis longtemps.
En
regardant autour de nous, nous constatons que les enfants en Scandinavie,
en Allemagne, en Grande-Bretagne et en Amérique ne rentrent
jamais manger à midi à la maison. Ils partent le matin
vers 8 heures à lécole avec leurs sandwiches,
leurs salades et boissons préparés par maman ou éventuellement
papa, rituel dévolu aux parents depuis des générations.
Les enfants mangent à lécole et la pause de
midi dure ½ heure ou ¾ dheure, ce qui leur permet
de se rassasier et aussi de se détendre un peu pour reprendre
les cours jusquà 14.30 heures au maximum. De retour
à la maison, ils ont amplement le temps de se reposer, de
faire les devoirs, de jouer, de pratiquer un sport ou un instrument.
Cest un rythme tout différent du nôtre, calqué
sur une société qui fonctionne bien sûr autrement,
mais dont lhoraire scolaire me semble tellement mieux adapté
à lenfant et à la famille.
Chez
nous, la pause de midi a été sacralisée au
point quon oublie combien elle est en décalage avec
la réalité sociale de cette fin de siècle.
Elle ne permet même pas aux femmes de travailler à
mi-temps, le matin par exemple. Cest pourquoi lécole
doit assumer de plus en plus de tâches qui incombaient autrefois
à la famille et ceci nest pas toujours une solution
heureuse pour les enfants. A Genève, on a même instauré
laccueil des petits tôt le matin avant louverture
de lécole, en plus des cuisines scolaires et des activités
parascolaires! Cest trop et certains enfants vivent quasiment
à lécole. Si le repas de midi était pris
à lécole et lheure de rentrée fixée
à 14 heures, je suis sûre quon éviterait
ces différentes prises en charge. Beaucoup de femmes et dhommes
sarrangeraient pour ne travailler que le matin à mi-temps,
voire à ¾ de temps, disposant ainsi de laprès-midi
pour leur famille.
En
conclusion, cest à un phénomène culturel
que nous nous heurtons, qui est ancré dans les mentalités
depuis des générations et qui ne tient que peu compte
de lévolution des moeurs. Ce nest pas parce que
nous ne respectons pas toujours ce rituel que nous serons de moins
bonnes mères.
Alors, Julie, un peu moins coupable?!
Françoise
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