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(1998)
Une
histoire qui ne manque pas de sel
En
préparant ce numéro consacré au couple et au
divorce, je me suis souvenue d’une pièce de théâtre
qui nous avait tous fait beaucoup rire, mon mari, mes filles et
moi. De temps en temps, lorsque nous nous disputions à table
avec mon époux, nos filles reprenaient à notre intention
les quelques répliques que voici entre une mère (Mama)
et sa fille (Marie) revenue à la maison avec ses valises:
(Mama)
- Mais enfin, qu’est-ce qui c’est passé?
(Marie)
- Mais rien Mama, rien. On était à table tous les
deux, il m’a dit « Passe-moi le sel »,
il me l’a dit gentiment, mais je sais pas, je me suis levée,
j’étais pas fâchée, je lui ai dit: « Je
divorce ». Je suis montée faire mes valises, voilà.
- « Passe-moi le sel », c’est tout?
- Oui.
- Il t’a dit gentiment « Passe-moi le sel »
et t’as répondu « Je divorce »?
- Oui.
- Comme c’est simple! Et s’il t’avait dit « Passe-moi
le poivre »?
- J’y serais peut-être encore!
- A quoi ça tient quand même, hein!
- Oui, ça, des fois, on se le demande!
- Non mais, tu te fous de ma gueule ou quoi? Mais qu’est-ce
que j’ai fait au Bon Dieu pour avoir des enfants pareils! On
te les fabrique bien comme il faut, avec tout au complet: cinq doigts,
cinq orteils, le nombre d’ongles qu’il faut, des poils,
des yeux qui voient, des oreilles qui entendent, on te les fait
pousser, on trouve à les faire bouffer jour après
jour, à les faire dormir, on se tue au travail, on se fait
des cheveux blancs, on se casse la tête pour qu’ils trouvent
une bonne situation, un bon mari, on se dit « ouf en
voilà une de casée » et paf! tout s’écroule
en une seconde simplement parce qu’un type a dit « Passe-moi
le sel » au lieu de « Passe-moi le poivre »!
Non..., trop, c’est trop! (...) Ça ressemble à
quoi tout ça? Tu peux me le dire? Moi, je dis que vous êtes
cinglés, c’est tout. (...) Y a des raclées qui
se perdent. Monte chez Madame Duperri lui emprunter encore un matelas...*
... et nous nous mettions tous à rire, en oubliant bien sûr
les motifs de la querelle.
Françoise
*
Extrait de « Lapin, Lapin » de Coline Serreau,
1986, Production Théâtre de la Ville de Paris - Comédie
de Genève.
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